d'après quatre nouvelles issues du recueil éponyme
éditées par
Les éditions Passage du Nord/Ouest (81 000 ALBI)

 

mise en scène & interprétation :   Frédéric Aubry

regards extérieurs : Anne Cameron & Olivier Clément

création lumière : Lucas Faivre

 

Un coup de colère à l'origine de l'envie de partager ces textes.
Que reste-t-il quand on n'a plus rien ? Peu de choses, plus d'existence, pas même une identité. Pas une qualité, pas de Monsieur ou Madame, pas de patronyme, peut-être un acronyme, trois initiales : S.D.F.
Même plus droit au doux nom poétique et folklorique de "clochard", non ! Trois lettres suffisent, S. D. F., plus pratique pour la nomenclature.
Quelquefois avec effort peut-on prononcer des mots ? ... sans abri ... un sans abri. Quand on est logé on a un “toit”, en revanche, à la rue on est sans abri. Sans fortune : pas de toit, pas d'abri. Peut-être un abri de fortune.

Un coup de coeur pour ces écritures.
Les textes choisis, issus du recueil de nouvelles Histoires maigres, sont sensibles, sans pathos, donnent la parole à des individus en rupture, en errance. Pas d'apitoiement sur leur sort, simplement une description, un état des lieux, des besoins. Tout ceci souvent avec humour, auto-dérision et poésie.

Les quatre textes choisis. Dans l'ordre d'interprétation.

Là où j'étais - James Kelman
Encore toujours pareil - James Kelman
Le râleur -
Alasdair Gray
Le sac en papier - James Kelman

Plusieurs nouvelles donnent le sentiment qu'il pourrait s'agir de différentes étapes de la vie d'un seul individu. Certaines ont d'ailleurs des similitudes quant à leur construction ainsi que des situations récurrentes ou en écho d'un texte l'autre. Partant de ceci j'ai imaginé le fil conducteur, le “déroulé” suivant :
- Le premier texte, Là où j'étais, nous fait une description nocturne d'une région accidentée de lochs, l'hiver, sous la pluie, dans le vent. L'écriture nous donne une peinture précise du paysage naturel extérieur et du paysage intérieur de l'homme errant. Pour reproduire le phénomène d'imagination qui a lieu au cours d'une lecture, j'aimerais tenter de jouer tout le texte dans le noir complet avec de temps à autre des lueurs faibles, des jeux d'ombres, de silhouette du personnage et entendre les bruits qu'il peut provoquer. Concernant les humeurs de ce premier texte, on notera, la gouaille du début, comme une bonne blague faite à ceux que l'on a fuit. Avec l'optimisme qui revient régulièrement se fait entendre une lassitude du combat contre les conditions climatiques ce qui n'empêche pas de belles plages poétiques comme vernis final à cette peinture.
- Avec le retour de la lumière nous retrouvons le même personnage dans les rues du vieux Londres sur un banc pour : Encore toujours pareil. Cartons d'emballages, Caddie de supermarché rempli de récup', vieux sacs... L'homme est diminué pathologiquement mais garde une force d'analyse, même s'il pête un peu les plombs à la fin. Il va fouiller dans le stock d'affaires récupérées et trouver un superbe “smoking” qu'il va revêtir. La transformation à vue va changer totalement son aspect et il va se prendre à jouer un personnage de belle condition, peut-être celui qu'il a été à un moment de sa vie passée.
- Le râleur commence avec le même argumentaire que le texte précédent ce qui conduit, du point de vue du jeu, à reprendre des attitudes déjà proposées. Cette nouvelle nous présente un homme dont la vie professionnelle est sans doute une réussite, contrairement à sa vie “amoureuse”. Il va se plaindre de beaucoup de détails de sa vie et même de sa réussite qui lui semble trop conventionnelle. Etre au sommet présente le risque de chuter ; il va donc décider de tout abandonner. Les beaux vêtements retournent d'où ils sont sortis et nous retrouvons notre homme sur son banc, un journal à la main.

- Dans Le sac en papier le propos est écrit au passé. Notre homme revit devant nous une rencontre faite dans la rue. La situation qu'il nous décrit a-t-elle réellement eu lieu ? Ou bien s'agit-il d'un rêve, d'un espoir de rencontre ? Peu importe, le message est que même dans son état physique, la jeune fille n'a pas été choquée par lui, “...elle lui a souri, un sourire spontané”.
A la fin l'homme reprend sa balade et disparaît. En voix off il nous lancera peut-être les premiers mots de la première nouvelle : “Au moins je suis ailleurs !”.

Quelques pistes de jeu.
Il est fait souvent allusion à la démarche, aux chaussures. Dans Là où j'étais il est question de bottes, le bruit qu'elles font sur la route. Dans Encore toujours pareil, l'homme s'efforce d'avoir du ressort dans sa démarche, ou bien ses pieds ne sautillent plus comme avant, dans Le râleur c'est un ami qui trainait la jambe, qui claudiquait. Dans Le sac en papier, on se promène, on trottine, on hésite à se croiser, on veut courrir... etc... Il y aura donc une déambulation précise, en se rapprochant des démarches des gens vivants dans la rue qui vont et viennent de long en large comme des fauves captifs. Ces pas feront du bruit, seront peut-être rythmés.

Environnement sonore.
Une ponctuation de bruits connus, des motifs très courts réorganisés dans leur rythme. S'il y a référence à Johnny Cash, on n'entendra qu'une courte “intro” de sa chanson Hurt, de laquelle ne seront chantonnés, par l'homme, que les quatre premiers vers. Dans Là où j'étais l'homme chantera dans le noir My bonnie lies over the ocean.

Frédéric Aubry,12.11.2009
http://aubryf.free.fr/maigres.html
vers Les Editions Passage du Nord/Ouest

Toulouse (31), du 13 au 15 janvier 2011
article du 15.11.11

Gaillac (81), 21 janvier 2011


Le Burgaud (31), au Café du Burgaud, les 4 & 5 février 2011

Retour page précédente