Le Cas Blanche-neige

 

de Howard Barker (1946-

mise en scène Frédéric Maragnani, 2008/09

« La méchante marâtre de Blanche-Neige fut elle aussi conviée au festin. Mais on avait déjà mis sur le feu des pantoufles de fer que l’on apporta avec des tenailles et déposa devant elle. Puis on la força à chausser ces souliers rougeoyants, et à danser jusqu’à tomber raide morte. » La petite Blanche-Neige des frères Grimm.

Le mythe de Blanche-Neige permet à Howard Barker d’explorer de manière paroxystique, comme dans la plupart de ses pièces, l’essence nécessairement tragique de l’être-femme. Le Cas Blanche-Neige, comme les grandes tragédies dont elle se réclame, est une tragédie de la féminité. La pièce est construite sur une langue tour à tour lyrique, poétique, parfois triviale et argotique, voire obscène. Elle culmine avec la scène du bal, transformée en danse macabre, danse de mort, où le corps sublimé d’avoir tant jouit se tord dans une apothéose de douleur.

Blanche-Neige est un « cas ».
Le Cas Blanche-Neige pourrait être comme l’absolu miroir du syndrome de Peter Pan pour les personnes adultes. Le syndrome de Peter Pan a été diagnostiqué comme un état d’enfance permanent chez le jeune adulte, une recherche d’un monde imaginaire.

A l’inverse, le syndrome du « cas » Blanche-Neige est, chez Howard Barker, celui du rite initiatique du réel, le passage d’un état d’enfance à une vie adulte sexuée, le duel entre la jeune fille et la femme, le sacrifice de l’une au bénéfice de l’autre. Il s’agit là non pas de se maintenir en état d’enfance mais au contraire de plonger la tête la première dans un âge sans innocence, sans « héros pour enfants », un monde d’après la chute.

Une Reine est aux prises avec une belle-fille jalouse, Blanche-Neige, qui cherche à lui ressembler par tous les moyens. Le combat sera celui de deux femmes, également belles, dont l’une a quarante-et-un ans, et l’autre dix-sept ans. La Reine, enceinte du jeune prétendant de Blanche-Neige, mourra, comme dans le conte des frères Grimm, d’avoir chaussé les escarpins de fer rougis au feu, que le Roi, pour se venger de tant d’humiliations, a fait préparer pour elle. Howard Barker, utilise la structure du conte des Frères Grimm, la tord, la façonne, pour créer l’histoire d’une Blanche-Neige d’aujourd’hui, inédite et réinventée. Cette nouvelle histoire est une tragédie comique ; une spéculation poétique sur le monde.

Le Cas Blanche-Neige (comment le savoir vient aux jeunes filles) donne au théâtre une belle occasion, celle de porter à la scène le conte d’une humanité et de donner à voir et à entendre la force d’une théâtralité réaffirmée.

Frédéric Maragnani

Lien

Eric Blosse (Lumières),
Camille Duchemin (Scénographe),
Sophie Heurlin (Costumes)
Benjamin Jaussaud (Création son)
Mise en scène : Frédéric Maragnani

 
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