Une fête pour Boris (1970) de Thomas Bernhard (1931-1989) |
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C’est autour d’une Bonne Dame cul-de-jatte, martyrisant sa femme de compagnie, et de son nouveau mari cul-de-jatte, tout juste sorti de l’hospice, que se construit la première pièce de Thomas Bernhard. OEuvre de jeunesse, Une fête pour Boris contient déjà tous les thèmes chers à son auteur. Folie, humour décapant, imprécations diverses, bavardages obsessionnels, fascination pour les jeux sadiques du pouvoir et de la domination, enfance perdue, charité ostensible des riches : rien ne manque dans cet opus au titre ironiquement festif. Cette langue enragée et explosive se développe par répétitions successives, progresse en spirale. Un verbe dont la musicalité crée une véritable connivence avec le spectateur, toujours surpris par ses ressorts comiques et sarcastiques qui lui permettent, par instants, de se soustraire au monde-prison dans lequel vit l’héroïne. Dans une grande proximité avec Thomas Bernhard, fasciné en son temps par le monde des marionnettes à visage humain, l'illusion technologique permet de rendre compte à merveille de ce rituel funèbre, carnavalesque et poétique, inventé par celui qui affirmait haut et fort que « tout est risible, quand on pense à la mort ». Une Bonne Dame en fauteuil roulant, cul-de-jatte, mais assez puissante pour réinventer la réalité à sa manière, organise une fête pour son époux, cul-de-jatte lui aussi, et ses treize compagnons d'infortune. Une Fête pour Boris peut être lu comme une parabole traitant de la fausse liberté engendrée par la société de consommation, dont les seules valeurs sont la propriété et l'argent. Ou encore, comme une critique de la tolérance répressive et de l'infantilisme social. Mais il y a aussi incontestablement une composante autobiographique : un règlement de comptes personnel envers les "Bonnes Dames" qui se penchent sur les marginaux sans le sou pour exercer à leurs dépens un jeu frivole d'autosatisfaction. |
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