Sonia Chiambretto

 

 

 

 

Mon képi blanc
La Légion. Une réalité et un mythe, qui fascinent et interrogent, font frissonner et fantasmer. Sonia Chiambretto s’y est intéressée, voisine qu’elle fût pendant quelques années d’une caserne à Aubagne. Elle a questionné ces hommes, venus de toutes parts et de nulle part, ces inconnus qui renaissent à une autre vie en pénétrant dans cet univers fermé. Elle en a tiré un texte fait de fragments épars qu’Hubert Colas a choisi de faire entendre comme un monologue en le confiant à un acteur unique, Manuel Vallade. À lui seul, il incarne tous ces soldats, ces confidences murmurées, ces aveux chuchotés qui mettent à mal les images d’Épinal faites d’honneur et de solidarité. C’est la solitude, l’exil, la violence, l’errance qui sont évoqués dans un idiome construit à partir de nombreuses langues étrangères d’Europe et d’ailleurs. Cette langue, qui n’utilise que des vocables français, devient « mixte », porteuse d’une très grande musicalité. C’est elle qui compose le matériel permettant à l’acteur de jouer sur des registres très différents. Sous nos yeux, il donne vie à ce verbe très écrit, très travaillé, très organisé sur la page blanche, respectant à la ponctuation près l’oeuvre sur papier. Filmé en direct, le comédien s’inscrit doublement sur le plateau. Rien ne se perd de ses mots, de ses silences, de ses regards, de tout ce qui peut exprimer l’univers de la Légion et sa langue si particulière. On rit, parfois, de ces formules à l’emporte-pièce que l’on a perfusées dans le crâne de ces hommes et qu’ils répètent à la manière de robots. Mais très vite, l’émotion revient au récit d’un quotidien tout entier voué à la guerre et aux combats, un quotidien sans passé et au futur aléatoire. Rigueur de composition du texte, rigueur de la scénographie et rigueur de l’interprétation se combinent pour créer un moment de vrai théâtre, fascinant et puissant.

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