Patrick Kermann

(1959-2000)

Né à Stasbourg, en 1959

Décédé le 29 février 2000

 

Il écrit depuis le début des années 90 pour le théâtre et l'opéra. Ses textes ont été mis en scène par Jean-Claude Rousseau, Solange Oswald, Guy Martinez, Claude Bokhobza, Jude Anderson, Annie Lucas, Anne-Laure Liégeois, Katerini Antonakaki et Emmanuel Jorand Briquet. Il a bénéficié d'une résidence à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (1996, Suaires), d'une bourse de commande du ministère de la Culture (1998, Thrène), d'une bourse Beaumarchais (1999, Leçons de ténèbres), d'une bourse de commande d'oeuvre lyrique (1999, avec Daniel Lemahieu, Du diktat), et a bénéficié en 1999-2000 d'une bourse d'année sabbatique du Centre national du livre. Il a traduit également des romans et du théâtre.

Autres oeuvres : The Great Disaster (création 99), De quelques choses vues la nuit (création 96), Rencontres de la Chartreuse (97), La Dolence des vivants (99), Les Tristes champs d'asphodèles (97), Merci (98), La Mastication des morts, Rencontres d'été de la Chartreuse (99). Ses textes sont publiés par Phénix-Editions, I'lnventaire et Lanzmann.

Patrick Kermann a mis fin a ses jours le 29 février 2000. Le livret d'opéra Vertiges est l'un des derniers textes qu'il ait écrits.

Avec la mort, la mémoire disparaît. Mais avec la disparition de la mémoire, n'est-ce pas la mort qui s'empare du vivant et engloutit sans même qu'il en prenne conscience des pans entiers de sa vie ? Patrick Kermann considérait la perte de mémoire comme un des maux majeurs de notre époque.
Face à la succession rapide des événements, à l'accélération de l'Histoire et du flux des informations, le monde devient de plus en plus irréel. Dans La Mastication des morts, il donne la parole à des hommes et des femmes qui, enterrés dans le même cimetière, continuent de ressasser ce que fut leur vie, évoquant notamment les guerres du siècle dernier (1914-18, 1939-45, la guerre d'Algérie).
"Ceux qui me lisent disent de mes textes qu’ils sont morbides, ils tournent tous autour de la mort comme autour d’un soleil étrange, mais il y a dans ma pièce (qui d’ailleurs n’en est pas une) une grande joyeuseté, une formidable gaieté de tous ces morts réconciliés." Patrick Kermann

"Notre époque est en train de perdre la mémoire à toute vitesse. Face à l’accélération de l’histoire et de l’information, les événements du monde n’ont presque plus de réalité, de durée, de mémoire. Ils se succèdent si vite qu’ils n’ont même plus le temps nécessaire pour s’inscrire en profondeur dans notre conscience et, plus grave encore, dans notre inconscient. Comment voudrions-nous qu’ainsi “déréalisés” et broyés, ils fassent mémoire ?
La mastication des morts est un oratorio bâti sur le nombre et la mémoire, la petite mémoire fragile d’une multitude de voix qui s’inscrivent dans l’histoire d’une communauté. Il s’agit, dans l’accumulation des habitants du cimetière de Moret-sur-Raguse, d’entendre la singularité de ces vivants d’un autre monde où chacun a sa propre langue. Chacun de ces morts a sa langue propre, sa rhétorique spécifique. L’ensemble de ces formes d’expression accumulées constitue une vaste interrogation sur la langue, sur ce qu’il reste d’une langue incarnée, individualisée lorsque l’Histoire est passée par là.
Depuis les grecs anciens jusqu’à nos jours, en passant par
Shakespeare où les spectres ne sont pas en reste, le théâtre est, par essence, un art de la mort, un art de faire parler les morts. Il est tout à la fois dévoilement et masque. Ajoutons à cela l’acteur qui meurt en scène tous les soirs, la représentation, éphémère par définition, et la mémoire du spectateur, non moins éphémère. Fragilité de la mémoire vivante !
De ma première pièce
The great disaster à la dernière en cours, je ne cesse de donner la parole à ceux qui sont morts. La question de la Shoah n’est sans doute pas étrangère à ce fait. Elle constitue selon moi, le noyau dur et secret de mon écriture. Que peut-on écrire après une coupure historique et philosophique aussi radicale, aussi irréconciliable ? Quelles formes sont encore possibles ? Quelles figures inventer ? Moi, j’ai choisi de faire parler les morts."

Patrick Kermann

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