Fernand Pelez

(1848-1913)

né à Paris, le 18 janvier 1848

décédé 1913

"La Vache enragée ! Eh bien ! Vous savez, moi, je crois que je ne lui suis pas favorable. Je pense que, parfois, sans tuer le talent, elle l'empêche de se faire jour, longtemps.
Et puis, j'en ai vu beaucoup que la misère a abîmés. Oui, allez ! ne demandons pas la grande richesse, mais de quoi pouvoir travailler tranquilles, c'est je crois le mieux. Il faut aussi le temps de rêver..." "La misère est une chose vilaine..."
Anatole France

En celà, il rejoint Zola disant qu'il fallait "naître pauvre pour une vision forte."

Malgré moi je pense à ces vers de Baudelaire :
Apprends qu'il faut toujours aimer sans faire la grimace,
Le pauvre, l'idiot, le tordu, l'hébété,
Afin de pouvoir faire à Jésus quand il passe
Un tapis triomphal avec la charité.

Péladan, "Fernand Pelez", la nouvelle Revue, 15 décembre 1913.

Ferdinand Emmanuel Pelez de Cordova d'Aguilar est le fils de Jean-Louis Raymond Pelez de Cordova d'Aguilar et de Louise-Marie Fanny Dolci de Bonbrain.

En 1880, il abandonne les sujets rétrospectifs pour aborder une réalité plus contemporaine dans le sillage du naturalisme. Son oeuvre se focalise dès lors sur le thème de la misère et plus particulièrement celle des femmes, des enfants, des saltimbanques.

Zola, observateur éclairé de ce que l'on nomme "la nouvelle peinture" souligne la rapide progression du naturalisme, qui envahit les Salons dans les années 1880.

Le regard de Pelez s'inscrit dans le prolongement d'une histoire de "cris de la ville" et des "tableaux de Paris" à laquelle se rattachent la lithographie et le livvre illustré romantique dont son père fut l'un des petits maîtres. La peinture des métiers du pavé parisien se rapproche des tableaux "à l'espagnole" dont Manet avait modernisé l'iconographie.

1885 : Un martyr. Le Marchand de violettes
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Un enfant endormi dans l'angle d'une porte (?)
La bouche entrouverte

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1886 : Petit misère ou mendiant au chapeau

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1887 : Un nid de misère

Au fil des années 1880, Pelez va radicaliser les figures enfantines. Leur pittoresque souriant fait place à la tristesse des haillons. Le mot misère revient de manière récurrente dans le titre des peintures des gamins de Paris, qui procèdent d'un même schéma : un enfant de huit à douze ans placé de manière frontale dans un espace neutre, sans profondeur, ni décor. La gamme chromatique volontairement restreinte est ravaillées dans une matière riche et raffinée. Les "excellentes qualités d'exécution" que l'on reconnaît à cette peinture qui "soulève le coeur" suscitent des réactions contradictoires et des sentiments troubles.

1888 : expose au Salon des artistes français Gimaces et misère

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1891 : La Maternité donne tous les détails d'un intérieur. La mère tient dans ses bras deux de ses enfants. L'un couché, les yeux clos, tète le sein gauche, l'autre l'embrasse sur la jour droite ; elle sourit. Un troisième enfant à terre enfile une chaussette trouée, sale. Un bol est renversé. [Cette image se retrouve dans un tableau antérieur : Un enfant dans la mansarde (1881)] L'intérieur de La Maternité semble comme l'antre de quelques animaux. La femme siège avec ses petits comme une idole. Noir et blanc, le réalisme est tel qu'on a l'impression de se trouver devant une photographie.

1893 : ouverture du cabaret Les Quat'zarts, 62 bd de Clichy.
En 1896, il participe à la Cavalcade de la Vache enragée par les artistes pauvres de Montmartre. Nouvelle fête populaire créée à Montmartre en 1896 et renouvelé une seule fois le 20 juin 1897, la Valchalcade est un défilé qui s'inspire de l'ancienne tradition de Boeuf Gras. Peintres, dessinateurs et chansonniers des cabartes de la Butte choisissent la Vache Enragée comme emblème de la difficile condition des artistes. Le défilé prend ainsi le nom de Vachalcade, contraction des mots vaches et cavalcade. Pour l'occasion Adolphe Willette fonde un journal la Vache enragée, qui paraît en mars 1896 et en mai-juin 1897. Pelez prend part activement à la fête et conçoit un spectaculaire char du Veau d'or précédé d'un cortège d'orphelines et de petits misères pour le défilé du 20 juin. Il devient membre du Comité de la Vachalcade de Montmartre en 1897, en compagnie de Puvis de Chavannes, Jean-Léon Gérôme, Adolphe Wilette, Emile Goudeau et Alphonse Humbert.
L'aspect à la fois artistique, populaire et charitable de cet événement s'accorde parfaitement avec les oeuvres que Pelez expose au Salon depuis le début des années 1880.

Eh ! la voici donc, cette Vache !
Faridondaire, faridon.
Elle est enragée ! … Oh ! la vache !...
Poète, ou peintre, digue-don,
Eh ! mâche, mâche, mâche, mâche !
Et mâche, mâche, mâche donc.

Emile Goudeau
Extrait de « la Chanson du simple conseil »

1896-1901 : Drapeau avec Misere écrit dessus.
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Grimaces (1888) et Humanités (1896) sont des microcosmes de son univers. Leur composition procède d'un assemblage de figures, grandeur nature. Les humbles, placés côte à côte, comme à la parade s'offrent au regard du spectateur de manière directe et frontale. Le cirque forain et le jardin public deviennent ainsi des espaces d'ostentation où se joue le drame de la condition humaine.

Sans que l'on sache rien des convictions de l'artiste, force est de constater que la question religieuse qui anime le débat public à la veille de la séparation de l'Eglise et de l'Etat occupe une place prégnante dans l'oeuvre de celui que Péladan désigne comme "le peintre de la pitié".

Le peintures de jeunes filles isolées semblent reprendre elles ausi de manière sous-jacente les archétypes de l'iconographie religieuse - Ange déchu ou Madeleine pénitente - brouillant ainsi les frontières entre le monde laïc et ce monde spirituel dont s'empare alors la peinture symboliste.

La Chapelle : La Morte (1901), Les Orphelines (1901)

1908 : La Bouchée de pain. (essais camaïeux, jeunes + vieux) Réfectoire populaire fondé à Paris. L'envers de la Belle Epoque. Pour la jeune République, le travail est une valeur fondamentale qui permet aux classes popualires de trouver leur place dans la société.
La Charité : l'évolution du sujet est révélatrice des changements de société. le développement du libéralisme économique se trouve confronté à la progression du socialisme et des mouvements ouvrires. Devant le déficit des réformes qu'ils tardent à mettre en place, les républicains modérés encouragent le développement des associations caritatives.

1880 : Blanchisseuse endormie.
(vers 1880) La Première Cigarette.
1881 : Un enfant dans la mansarde.
1883 : Sans asile. cf. Les Loupiots d'A. Bruant.

A la suite de Bastien-Lepage, son camarade de l'atelier Cabanel, Pelez choisit de peindre la vie de son temps. Indifférent à la poésie des champs, il s'attache à dépeindre l'existence des plus misérables et des laissés-pour-compte du Paris de la Belle Epoque. Les figures féminines occupent une place centrale dans ce nouveau corpus de personnages anonymes frappés par les aléas du libéralisme économique. L'expérience du martyr et de la damnation n'est plus éprouvée par les héros antiques, mais par les plus humbles de la société moderne dont les infortunes s'étalent dans la rubrique des faits divers.

1886 : L'Asphyxiée

Bon sang de Dieu ! si l’on m’allume
Ça chauffera ! je cogne dru
Sous cinquante ans, marteaux d’enclume,
Qui m’ont reforgé, j’ai recrû.

Catulle Mendès, Ballade du bon vieux compagnon de bataille de buverie et d’amour.

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Marchand de citrons (1895)

1889 : 14 juillet de Théophile-Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)

Jules Adler (Luxeuil, 1865 - Nogent-sur-Seine, 1952) surnommé "le peintre des humbles" : La Soupe des pauvres (1906)

Fille du soir, mène la fête des tristes
Et mêle ton sourire au rictus,
Puisque tu viens chargée du bon fardeau de la joie
Qu'il faut donner à ceux qui en ont besoin,Avec une compassion farouche et belle
Mène la fête du rêve et du pain !
Camille Mauclair, "A la muse de Montmartre ", la Vache enragée, journal officiel de la commune de Montmartre, mai-juin 1897.

Peintre des gueux, Père-Gigogne
des plus misérables enfants
D'un noble talent, Pelez cogne
A la porte des triomphants,
Au nom des gueux et des enfants.
Camille Mauclair, "A la muse de Montmartre ", Revue les Quat'z'arts, 28 novembre 1897.

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