Adeline Virginia Stephen

dit Virginia Woolf

(1882-1941)

née le 25 janvier au Royaume-Uni

décédée le 28 mars au Royaume-Uni

 

« Jeudi 18 août 1921
Rien à noter, sinon une insupportable crise d’énervement, qui passera peut-être si j’écris. Me voilà enchaînée à mon rocher, contrainte à l’inaction, condamnée à laisser chaque souci, chaque rancœur, irritation et obsession fondre sur moi toutes griffes dehors, et revenir à la charge. Autrement dit, je ne peux pas me promener et ne dois pas travailler, à cause de ces maudites migraines. Quelque livre que je lise, il bouillonne dans ma tête. Personne n’est aussi malheureux que moi, ni à ce point conscient d’avoir en réserve une infinie capacité de plaisir n’attendant qu’à être employée.
Voilà. J’ai presque fait disparaître mon irritation. J’entends le va-et-vient de la tondeuse que ce pauvre Leonard promène sur la pelouse, car une épouse comme moi devrait avoir un écriteau sur sa cage : « Elle mord ! ». Et lui qui a passé toute sa journée d’hier à courir Londres pour moi ! Nous avons eu une longue dispute. Je me vis alors moi-même, et mon prestige, mes dons, mon charme, ma beauté, etc, enfin tous ces soutiens qui me permettent de surnager depuis tant d’années, s’amenuiser, disparaître. Et c’est vrai que je suis une femme d’âge mûr, mal fagotée, tatillonne, laide, incompétente, vrai que je suis vaniteuse, bavarde et futile.»

Retour page précédente