Beckett

(1906-1989)

Naissance le 13 avril, à Foxrock (Irlande)

22 décembre, à Paris (France)

Lien éditions de Minuit

Rien n'est plus drôle que le malheur

La France, ce pays qu’il choisira très vite, dès les années 30,  comme terre d’adoption, allant jusqu’à délaisser pour écrire sa langue maternelle au profit du français, Beckett a littéralement révolutionné le théâtre. Premier amour, le premier texte de Beckett écrit en français. Avec lui, ce sont tous les fondamentaux de l’écriture et de la représentation qui explosent, laissant à terre, comme des vestiges d’un monde ancien, des principes devenus révolus. Beckett en finit avec la psychologie, le sens commun, la cohérence, l’imitation. Il détruit pour reconstruire et son théâtre attaque au marteau piqueur ce qui le constituait jusqu’alors. Sous sa plume, les phrases se démantèlent et se désossent, les personnages se désincarnent, les situations se délitent. Jamais on n’aura été aussi loin dans la remise en question de ce qu’est le théâtre. Reste une écriture à vif, brute comme une pierre précieuse, se dérobant à toute interprétation. Un théâtre insondable et totalement captivant.  L’ancien assistant de James Joyce connaît, on le sait, les faveurs des metteurs en scène français, le premier d’entre eux étant Roger Blin, qui dès 1953, entreprend de monter son œuvre. En attendant Godot, Fin de partie, Oh les beaux jours sont les pièces les plus connues. D’autres, des dizaines d’autres existent. Certaines plus courtes, encore plus lapidaires, radicales. Les pièces de la fin de vie. Et puis il y a aussi ces joyaux que sont le Dépeupleur, ou La Dernière bande. Bref, une série de textes dont on n’a pas fini de faire le tour et qu’il faut associer à une production romanesque tout aussi impressionnante, couronnée, en 1969, par le prix Nobel de littérature.

vers Fin de partie
Fin de partie, mise en scène, Roger Blin

Oh les beaux jours

"Dans sa pièce écrite en 1960/61, Samuel Beckett sonde un sujet mélancolique, teinté d’humour, qui, aujourd’hui peut-être plus qu'à l'époque encore, nous interpelle et nous va droit au coeur : comment pouvons-nous, sur le chemin de la sénescence, fragilisés par les effets du temps, vivre, ressentir et espérer le bonheur ? Beckett nous immerge dans la vie d'une femme d'âge mûr, ensevelie jusqu'au torse dans un monticule, le bas du corps immobile, restant invisible pour les autres. Elle ne communique qu'à travers ses bras, ses mains, son visage, ses yeux pleins de vie et sa parole. Elle tente de transformer chaque jour en un jour heureux. Elle essaie de happer des moments de bonheur et y parvient grâce à un rituel, qu'elle s'est elle-même créé. Elle range les objets qui font partie de son quotidien, ses affaires de toilette, elle les dispose autour d'elle, leur parle, fait ressurgir à leur contact ses souvenirs d'antan et y puise la force de sourire. Cela lui procure stabilité et vigueur et donne un sens à sa vie, malgré le déclin de sa mobilité. Une chance particulière pour elle, la présence de son mari Willie, qui, d'un naturel très peu bavard, lui témoigne des signes d'attachement. À la fin, peut-être à la fin du dernier jour heureux, il n'est pas étonnant qu'elle chante leur mélodie préférée, à savoir l'air déchirant de La Veuve Joyeuse : "Lippen schweigen"... Ellen Hammer, dramaturge.

"Ce fut un honneur pour moi que Beckett vienne me voir dans les loges, à l’issue d’une représentation de l’une de mes premières pièces Lettre à la reine Victoria. Il me complimenta pour mon texte fragmenté et non séquencé. Il me dit que c’était formidable. Finalement, ce fut Eugene Ionesco qui fit la critique de ma toute première pièce Le Regard d’un sourd. Il écrivit : « Wilson est allé plus loin que Beckett ». C’est pour cela que j’ai été très intimidé quand je l’ai finalement rencontré. Je me suis toujours senti relié au monde de Beckett. Il est, par certains côtés, trop proche de mon travail. Mais aujourd’hui, après trente-cinq ans, j’ai décidé de relever le défi et de me lancer. J’aime Oh les beaux jours parce que c’est à la fois très simple et très compliqué. On comprend tout de suite la situation. Si vous achetez une place pour Oh les beaux jours et que vous voyez une femme enterrée jusqu’à la taille, puis jusqu’au cou, vous pouvez oublier la situation et laisser vos idées s’associer. Quand j’ai commencé à travailler dans le milieu du théâtre, j’ai souvent vu Madeleine Renaud jouer Oh les beaux jours à Paris. J’admirais cette mise en scène, le travail de cette comédienne et j’ai toujours appréhendé de ne pas pouvoir trouver une aussi bonne actrice. Dans ma mise en scène, je vois l’espace comme une jungle d’asphalte dans laquelle Winnie est prisonnière. Ces lignes sont dures, tranchantes. Bleues et noires. Mais il y a aussi un paysage magique… une surprise. C’est la première fois que je travaille avec Adriana Asti. Dans la comédie, tout est question de rythme et Adriana a un excellent sens du rythme, elle a donc le potentiel pour être une actrice comique hors pair. J’aime ses grands yeux toujours à l'écoute." Robert Wilson, Théâtre de l'Athénée Louis Jouvet.

retour