La Noce chez les petits bourgeois

Grand'peur et misère du IIIe Reich

(1919 & 1938)

de Bertolt Brecht (1898-1956)

mise en scène Didier Bezace, 2002/03

vers biographie Brecht

A propos de La Noce chez les petits bourgeois suivi de Grand'peur et misère du IIIe Reich (créé en Avignon 1996, puis repris au Théâtre de L'Aquarium et au Théâtre de la Commune en 1997).

La Raison du choeur
A l'intérieur du petit théâtre domestique qui les abritent, les bourgeois de La Noce chantent, dansent et rigolent. Ils partagent avec nous sans pudeur, "à la bonne franquette" pour ainsi dire, leur insouciance, leur naïve bêtise et leur aveuglement. C'est un choeur de citoyens ordinaires, ni pires, ni meilleurs que les citoyens ordinaires
que nous sommes parfois nous-mêmes, réunis autour d'une table abondamment garnie, par la même absence d'inquiétude, de clairvoyance, par la même certitude que l'Histoire ne leur fera aucun mal et qu'il est inutile de s'en occuper.
Tous les mots sont permis : la parole est facile, inconséquente, c'est un bavardage que rien, à part l'effondrement comique du mobilier, ne semble devoir sanctionner. Et pourtant, le pire est à venir, nous sommes en Allemagne dans les années 25, déjà des mots lourds de conséquences ont été prononcés, entendus, ils tracent les chemins du malheur.
Dix ans plus tard, sous le discours hystérique de celui pour lequel ils ont voté, ils comparaissent à nouveau devant nous, pâles, fatigués, encore serrés les uns contre les autres mais devant une table vide où la disette a remplacé l'abondance et où chaque mot désormais pourra être retenu contre eux, ils ont peur comme nous parfois... Ces deux textes de
Brecht, célèbres l'un et l'autre, mais rarement associés l'un à l'autre, nous les avons abordés en privilégiant d'abord l'écho qu'ils se renvoient quand une même famille de personnages les traverse. Nous avons cherché tout au long de notre travail à ce que les individus se fondent dans une même conscience (ou inconscience) collective, afin qu'émerge, face aux contradictions monstrueuses de l'Histoire telles que nous pouvons les percevoir maintenant une figure moderne du choeur, tragique et comique à la fois. Nous avons privilégié l'inquiétude, l'ironie et la critique en pensant qu'elles étaient encore, malgré l'air du temps, les vertus d'un théâtre populaire.

Didier Bezace

 
 
retour page précédente