Mystère bouffe & fabulages

(1969)

 

de Dario Fo (1926-

mise en scène Muriel Mayette, 2010

 

Attention : Compte tenu du nombre et de la densité de ces pièces, Mystère bouffe et fabulages est décliné en deux soirées indépendantes l’une de l’autre, dans un même dispositif scénique.

Offrir une vision différente du monde fondée sur l’histoire faite, vécue et racontée par le peuple, et non pas sur celle que proposent les livres écrits par le pouvoir, voilà le projet de Mystère bouffe. Des années de recherche sur les mystères du Moyen Âge ont permis à Dario Fo de rédiger, avec cette oeuvre engagée, l’un des plus grands moments du théâtre politique et social du XXe siècle. Centrées sur la figure du jongleur, sorte de troubadour habile à démystifier les discours hypocrites des puissants, les pièces – ou jongleries – qui composent ce recueil sont autant d’hymnes à la grandeur et à la dignité des humbles gens. Elles revisitent le massacre des innocents, les noces de Cana, la résurrection de Lazare, la Cène, la passion du Christ, et d’autres épisodes bibliques, les entrecoupant de récits hauts en couleur, reflets d’un bon sens populaire qui sait manier l’arme du rire et du grotesque pour lutter contre le mensonge et l’oppression. Interprétées à leur création par l’acteur Fo, les pièces de Mystère bouffe sont des morceaux de bravoure à la gloire des acteurs.

Deux versions :
Ce spectacle se déclinera en deux versions pour la seule raison que j’avais envie qu’on entende beaucoup de cette parole. Mais ce sera chaque fois la même forme, le même déroulé, la même scénographie.
Dans un prélude, nous commencerons par donner les clés de ce théâtre comme Dario Fo le fait et nous finirons à chaque fois par La Naissance du jongleur qui est la quintessence même de Mystère bouffe, car s’y révèle la puissance de la parole incarnée par l’acteur. Alternativement, nous verrons de courtes images produites pas une petite troupe d’acteurs que sont nos élèves-comédiens. Ils tenteront à plusieurs reprises de représenter la Passion du Christ, cherchant à créer de l’émotion, dans une sorte de contrepoint à la parole des conteurs. Cette tentative contrariée par mille difficultés, célèbrera la fragilité de notre métier. Je me suis beaucoup inspirée d’un film qui pour moi est le plus bel hommage aux acteurs : La Ricotta de Pasolini. Dario Fo disait de Pasolini : « À l’auteur de l’Évangile selon saint Matthieu, on ne tire pas son chapeau, mais trente mille chapeaux ». Ce ne sont pas les mêmes oeuvres ni les mêmes créateurs, mais ils ont en commun un courage, un respect, un amour et un orgueil immense de notre métier. Des acteurs passeurs, partenaires dans le relais d’une grande histoire du monde. Un spectacle en direct où la parole prend feu.

Muriel Mayette, janvier 2010
propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française

« À propos du fait de plaisanter sur des choses très sérieuses, dramatiques ; ce que nous voulions, c’est faire comprendre que c’est [le rire] qui permet et qui permettait (car c’est bien dans la tradition du jongleur) à l’acteur du peuple de toucher les consciences, d’y laisser quelque chose d’amer et de brûlant… Si je me contentais de raconter les ennuis des gens sur le mode tragique, en me plaçant d’un point de vue rhétorique, ou mélancolique, ou dramatique, j’amènerais les spectateurs à s’indigner, un point c’est tout ; et tout cela glisserait sur eux, immanquablement (...) il n’en resterait rien. », Dario Fo pour Mystère bouffe (Dramaturgie)

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