Le Roi se meurt (1962) de Eugène Ionesco (1909-1994) mise en scène Francis Cantin, 2009 |
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Le théâtre Prospero présente une mise en scène de Francis Cantin Les frontières se creusent, la population vieillit, les éléments se déchaînent, le palais tombe en ruine ; rien ne va plus, le Roi se meurt. Alors qu’il règne depuis des siècles sur un royaume qui ne cesse de s’enliser, le roi Bérenger 1er (André Perron) se fait annoncer par la reine Marguerite (Kena Molina) qu’il ne lui reste qu’un peu plus d’une heure à vivre, soit la durée de la pièce. Celui-ci agonisera jusqu’à ces derniers moments, obnubilé par le truchement des idéaux de la culture traditionnelle tibétaine, et les angoisses narcissiques de nos sociétés modernes. Or, c’est une mise en scène plutôt fade que nous offre le jeune metteur en scène Francis Cantin. Certes, les attentes sont élevées pour le spectateur et le défi de taille pour les André Perron, Kena Molina, Stéphanie Daviau, Frédéric Sasseville, Chantal Therrien et Louis-Philippe Labrèche, qui interprètent avec brio une des pièces magistrales de l’auteur. Majoritairement tous finissants de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, ils livrent ici la première œuvre des Productions Empremier. André Perron campe à la perfection son rôle de roi infantilisé à la voix chevrotante qui représente le summum de l'incongruité en matière d’autorité intergalactique. Même chose pour la reine Marguerite, la reine Marie (Stéphanie Daviau) et le médecin (Frédéric Sasseville) qui, par leurs nettes oppositions de caractères, vont tantôt nous émouvoir, tantôt faire pouffer la salle d’un rire franc et libérateur. Toutefois, les personnages du garde (Louis-Phillipe Labrèche) et de Juliette (Chantal Thérrien) sont laissés dans l’ombre et leurs quelques répliques tombent trop souvent à plat. Ils sont alors pratiquement relégués au rôle de régisseur ou d’accessoiriste. Le texte est pourtant irréprochable, le jeu est juste, mais la mécanique de circulation des acteurs est parfois incohérente et distrait le public de la finesse des mots de l’auteur. Ainsi, malgré l’excellence de l’interprétation, on se surprend à bâiller honteusement à une ou deux reprises. Par contre, quelques objets typiques, des pas de danse du ventre maladroits et un rituel approximatif funèbre plus tard, on en prendrait un peu plus. Bien que le metteur en scène ait fait des recherches anthropologiques d’envergure conjointement avec la communauté tibétaine montréalaise, l’espace scénique reste vide et froid, ne servant pas toujours l’univers déjanté de l’auteur. Aurait-il été possible de tirer davantage parti des énergies fondatrices de l’univers tant abordées dans la pièce ? Ou encore de la dichotomie entre physique et spirituelle qui est le pilier du questionnement originel ? Cantin nous laisse un peu sur notre faim. Mais pour être honnête, on ne veut que pardonner ces quelques maladresses. Il n’en reste pas moins une occasion en or de découvrir un incontournable de la dramaturgie française livrée par une distribution de qualité. |
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