Le Retour au désert

(1988)

de Bernard-Marie Koltès (1948-1989)

mise en scène Catherine Marnas

Dans une ville de province à l'est de la France, au début des années soixante, Mathilde Serpenoise retrouve la maison familiale qu'elle a quittée quinze ans auparavant. Revenant d'Algérie avec bagages et enfants, elle est violemment accueillie par son frère qui l'accuse de fuir la guerre et de revendiquer son héritage. Une bourgeoisie qui se dispute obstinément comme des paysans qui se souviennent éternellement des conflits de village sans en connaître l'origine et qui connaissent chaque borne de leur terrain malgré les ventes, les hypothèques et les abandons ancestraux.

Le Retour au désert est une pièce de bagarre entre un frère et une soeur.
Le Retour… traite, entre autres choses, d’une bagarre de texte, d’une bagarre verbale que l’on pourrait comparer à une bagarre de rue.
Je me suis servi précisément à ce propos d’une querelle dans la rue que j’ai vue à Marrakech ; ce genre de scène déjà prend considérablement appui sur le langage : les copains s’attroupent, s’indignent, agacés, puis tentent en vain des « Arrêtez ! » avant de s’éloigner.
Ce sont de telles structures qui me font travailler, la manière encore dont se fabrique une scène. Une bagarre n’est pas simplement faite d’un “poing sur la gueule” ; elle suit aussi les trois mouvements logiques de l’introduction, du développement et de la conclusion. C’est cette construction forte et ces rapports forts qui méritent d’être racontés au théâtre, des histoires de vie et de mort.

I. Début des années 60, dans une petite ville de l'Est de la France. Accompagnée de ses enfants, Édouard et Fatima, Mathilde, après quinze années passées en Algérie, revient dans la demeure familiale. Elle y retrouve son frère Adrien Serpenoise, son neveu Mathieu et sa belle-soeur Marthe. Mathilde vient habiter la maison qu’elle a hérité jadis de son père tandis qu'Adrien recevait l'usine désormais au bord de la faillite. Alors que le frère et la sœur règlent les comptes du passé, Fatima rencontre le fantôme de Marie, la première épouse d'Adrien, morte mystérieusement. Mathieu, lui, aspire à connaître le monde et rêve d'un engagement dans la guerre d'Algérie qui l'oppose violemment à son père.

II. Mathilde, aidée de son fils Édouard, agresse le préfet de police Plantières qu'elle accuse de l'avoir fait tondre pour s’en débarrasser. Elle se venge en lui rasant les cheveux alors que Plantières appelle au secours Adrien, instigateur autrefois de la déchéance de sa sœur. Pendant que Marthe s'abandonne à l'alcool, Adrien et Mathilde s'affrontent verbalement puis physiquement, submergés par leur haine, devant leurs domestiques, Madame Queuleu et Aziz. Resté seul, Adrien commente les propos de sa sœur sur son état d'homme-singe.

III. Dans le jardin de la maison où Mathieu la poursuit de ses assiduités, Fatima a de nouveau, en présence de sa mère Mathilde, la vision de Marie. De leur côté, excités par la peur et leur défiance réciproque, le préfet du département Sablon, le préfet Plantières, l'avocat Borny et Adrien préparent un attentat contre le café arabe Saïfi. Les deux cousins, Mathieu et Édouard sont obligés de sympathiser. Ensemble, accompagnés d'Aziz, ils décident d’aller aux putes et passent la soirée au café Saïfi. Sous la véranda, Adrien reçoit la visite d'un grand parachutiste noir, tombé du ciel, qui proclame son amour de la France et son dédain pour l'Histoire inconstante, en quête lui aussi d’identité.

IV. Dans sa chambre, Mathilde confie à Fatima ses angoisses, la peur que lui inspire son frère et son dégoût des hommes. Adrien les rejoint pour dresser un réquisitoire contre sa sœur et exprimer son mépris pour son propre fils Mathieu. Il les quitte en menaçant de mort Mathilde alors que Fatima supplie sa mère de rentrer en Algérie. Confronté au fatalisme d'Aziz, Mathieu comprend enfin que son départ pour l'Algérie et la guerre sont inéluctables.
Restée seule, Mathilde apostrophe le public et lui dit sa vérité, son horreur de la vérité, des enfants et des hommes, et annonce le dénouement.

V. Pendant que Mathieu, Édouard et Aziz s'attardent au café Saïfi, dans le jardin, Plantières, Borny et Adrien espionnent Fatima afin de constater sa démence. Au loin retentit le bruit de l'explosion du café. Le fantôme de Marie apparaît à Fatima et lui exprime la honte que lui inspire cette famille. Le préfet du département Sablon ramène Mathieu et Édouard ensanglantés, victimes de l'attentat. Édouard, après un discours sur la vitesse de rotation de la terre, disparaît dans l'espace. Adrien, désabusé, décide de partir vivre en Algérie.
Après que Madame Queuleu lui a annoncé que Fatima vient d'accoucher de jumeaux noirs qu'elle a baptisés Rémus et Romulus, Mathilde réussit à partir avec son frère en vitesse pour ne pas être rattrapés par les enfants.

P.N.

Avec : André Auke, Sandra Corveloni, Julien Duval,
Aline Filocomo, Frank Manzoni, Gisela Millàs, Maud Narboni, Olivier Pauls, Rita Pisano, Ricardo Romao, Davi Rosa, Bénédicte Simon, Gustavo Trestini

Carlos Calvo (Scénographe), Michel Theuil (Lumières),
Madame Miniature (Création son), Bia Junqueira (Costumes),
Rita Grillo (Assistante à la mise en scène)

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