Rézo Gabriadze

რევაზ გაბრიაძე

 

(1936-

né à Kutaïssi

Théâtre public et mondialisation / juillet 2000

 

L'Automne de mon printemps

Rézo Gabriadzé, polyvalent fraternel. Auteur, metteur en scène, scénographe, il présente son nouveau spectacle de marionnettes. Pour ne pas oublier l'horreur, pour rêver d'un monde meilleur. Certains spectacles de marionnettes, en particulier ceux conçus pour un public plutôt adulte, sont d'une puissance évocatrice, d'une force émotionnelle inoubliables. Les Lausannois le savent : de l'aula des Bergières, avec la Rose des Vents, au Théâtre de Vidy, qui a présenté le travail de diverses compagnies, ils ont pu découvrir depuis de longues années plusieurs productions de cet acabit. Il devrait en être ainsi avec le nouveau spectacle de Rézo Gabriadzé, La Bataille de Stalingrad (Requiem), à l'enseigne des Marionnettes de Tbilissi, qui vient d'être créé au Théâtre national Dijon-Bourgogne. Au bord du lac, il sera joué sous le chapiteau, cadre idéal, entre calme et proximité. Rézo Gabriadzé n'est pas un inconnu : ces dix dernières saisons, il a montré quelques-unes de ses multiples facettes avec des histoires pour marionnettes ou pour comédiens, notamment Quelle tristesse, la fin de l'allée, à la salle Charles-Apothéloz, en 1993, et Koutaïssi, au Théâtre Kléber-Méleau, en 1994.
Dans le désordre, le Géorgien est poète, peintre, écrivain, sculpteur, metteur en scène, scénographe, marionnettiste et scénariste d'une trentaine de films. « C'est un homme qui a beaucoup d'humour et de fantaisie, mais une fantaisie intelligente », comme le dit la comédienne Natasha Parry, qui a travaillé avec lui dans les deux productions citées plus haut. Il y a eu un déclic dans sa vie : « J'ai travaillé longtemps pour le cinéma géorgien. Puis, un jour, fatigué, je me suis assis dans mon jardin pour réfléchir. Que faire après cela ? Une chose était certaine : je ne retournerai plus dans le monde du cinéma, même si l'on m'y jetait mon chapeau. (...) Où aller ? Au théâtre, pensai-je tristement. Non, le théâtre est un endroit trop bruyant, aussi animé et passionné que le cinéma. (...) Et, tout à coup, je me suis souvenu d'une petite marionnette aperçue par hasard du temps de ma jeunesse. » D'une main touchante, elle désigna un ouvrage de Kleist dans lequel j'ai lu un article génial sur les marionnettes. Je me levai d'un bond et je partis immédiatement pour Leningrad pour chercher d'anciens constructeurs de marionnettes. Je grimpais dans des greniers, descendais dans des caves, en faisant connaissance avec les derniers survivants d'une lignée. Et lorsque, avec sincérité, je leur disais que je voulais les consulter à propos des marionnettes, certains, très rares, entrebâillaient leur porte, mais en laissant leur chaînette de sécurité... » Depuis, Rézo Gabriadzé à ouvert à Tbilissi un petit théâtre de quarante-huit places dans une maison en reconstruction, qu'il partage avec un restaurant, puis un autre d'une centaine de places, avec le statut de théâtre enfin reconnu par les autorités...
Huit personnages et six animateurs font revivre cette Bataille de Stalingrad, dont le texte, la mise en scène, les décors et la bande-son ont été conçus par Rézo Gabriadzé. La traduction et la voix sont d'André Markowicz. L'action se passe entre 1937 et 1943, entre Moscou, Berlin, Kiev et Stalingrad. « Il ne faut pas oublier le fait, écrit-il, que notre pays a perdu plusieurs de ses enfants dans la lutte contre le pire ennemi de l'humanité : le fascisme. Trois cent cinquante mille Géorgiens ont péri durant la Deuxième Guerre mondiale. L'épopée de Stalingrad a transformé les rives de la Volga en un abattoir épouvantable et a offert à l'Europe la possibilité de vivre en paix pendant cinquante ans. Là, sur la terre de la Grande Russie, ont péri des gens de différentes nationalités et croyances. Pour ne pas oublier ce moment fort de notre histoire, des rues portant le nom de cette ville existent dans toutes les villes européennes, petites ou grandes. Notre spectacle traite aussi de ce thème immortel. Il se nourrit de l'amitié des gens de théâtre géorgiens, russes, ukrainiens, français et allemands. » Il entend porter le plus loin possible ce message d'espérance et de fraternité.

vers the Lincoln Center for the Performing Art, 2010

Michel Caspary, article 12/01/2000

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