Le Dibbouk

(2003)

de Krzysztof Warlikowski (1962-

Krzysztof Warlikowski – Le Dibbouk, ce sont Les Aïeux renouvelés ! L’Holocauste et la littérature qui lui est liée ont ouvert de nouvelles voies à la spiritualité. Les textes qui décrivent le drame judéo-polonais nous jugent très sévèrement. En France, le soulèvement de Varsovie est un autre soulèvement qu’en Pologne. Tout le monde pense ici au soulèvement du ghetto, auquel les Polonais ont également pris part. Une tragique dichotomie déchire notre conscience : Varsovie insurgée avec Baczynski* pourrit de plus en plus, tandis que le soulèvement d’une poignée d’individus condamnés à l’extermination m’est aujourd’hui plus proche.
[…]
K. W. – Dans le soulèvement du ghetto il s’agissait de vivre, dans celui de Varsovie c’était de pouvoir vivre comme avant. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’objectivité mais de ce que ma conscience retient aujourd’hui. (1)

* Krzysztof K. Baczynski, poète polonais mort à vingt-trois ans, pendant l’insurrection de la résistance polonaise à Varsovie contre l’occupant allemand, du 1er août au 2 octobre 1944. Auparavant, en avril 1943, les juifs du ghetto de Varsovie s’étaient soulevés dans un combat de la dernière chance, qui s’est soldé par l’éradication du ghetto en mai par les nazis, mais qui a eu un fort impact psychologique sur la résistance.

Piotr Gruszczynski – Dans Le Dibbouk, tu as renoncé à émouvoir le spectateur, ce que tu faisais jusqu’à présent. Tu nous as contraints à une observation concentrée, tendue, froide et consciente. Tu ne nous permets pas de nous sauver par l’émotion, de nous échapper en elle.
Krzysztof Warlikowski – C’est le reflet du ton radical de la littérature européenne actuelle, des textes d’Hannah Krall qui est parvenue au point où elle ne veut plus nommer l’innommable. La littérature entre dans l’ère des phrases à points de suspension, des plages vides. Krall dit de ses récits qu’ils contiennent de plus en plus de pages blanches. Moi aussi je suis confronté aux problèmes de la forme ; un jour, je me suis même étouffé avec. Aujourd’hui le plus important pour moi est ce que je veux dire. Le théâtre de la forme se compromet dans l’imitation de la vie. C’est pourquoi j’essaie avant tout de parler, je veux théoriser pour le théâtre, philosopher, ne pas raconter mais parler, éloigner les beaux tableaux. Le théâtre n’a jamais été aussi proche de la pensée qu’aujourd’hui. (2003) (2)

Krzysztof Warlikowski, Théâtre écorché, Arles, Ed. Actes Sud-La Monnaie De Munt, série "Le Temps du théâtre", dirigée par G. Banu et C. David, 2007, (1) p.91, (2) p.92,

 
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