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Quatre femmes travaillent ensemble dans leur bureau pour le Groupe. Outre leur travail, elles évoquent entre elles le reste de leur vie et se racontent les dernières nouvelles des maris, des enfants, de la salle de gym... Et dans ce quotidien qu’elles essaient de rendre conforme aux exigences de dynamisme du Groupe, elles étouffent... au point qu’il leur faut bien trouver un exutoire, un moyen de respirer, de jouir enfin. Et lorsque le chef de bureau, objet de tous les fantasmes ne suffit plus, il faut trouver autre chose. Quoi ?
Une réflexion maladroite de l’une d’entre elles, et c’est le début d’un nouveau jeu dont les règles cruelles se dessinent au fur et à mesure que la partie se joue. Hard Copy dénonce un phénomène universel : le harcèlement moral, ici entre femmes. Brimades, critiques, et intimidations, la quatrième n’y survivra pas. A travers leur conflit, ces femmes nous livrent leurs secrets et leurs émotions les plus intimes. Leurs obsessions sont à l’image des exigences de la société à leur égard. Belle, Blanche, Douce et Rose sont le prototype de la gente féminine et incarnent les clichés principaux de notre société de consommation.
Le harcèlement moral
Le harcèlement moral a toujours existé mais sa dénomination est récente et c’est aujourd’hui un sujet pleinement actuel. En effet, les employés sont de plus en plus nombreux à se plaindre d’intimidations dans leur société ou compagnie. Ce genre de harcèlement peut prendre des formes diverses : refus de toute communication, absence de consignes, privation de travail ou surcroît de travail, critiques incessantes, brimades, humiliations, insultes, menaces. Il peut venir de la part d’un patron mais également de la part de collègues. Il arrive également qu’un collectif de travail, qu’un groupe à l’intérieur de l’entreprise, isole un collègue et en fasse son « bouc émissaire ». Ceci est précisément la situation de notre pièce où trois femmes se liguent contre la quatrième sans raison aucune. Ces femmes sont des répliques l’une de l’autre, et c’est une première critique envers Rose qui va déclencher des blagues et sarcasmes qui vont, eux, se transformer en un réel harcèlement moral et se terminer par un meurtre cruel et absurde. Les critiques, qui peuvent paraître légères au début, deviennent mordantes et difficilement acceptables psychologiquement. La difficulté réside bien sûr dans le fait que Rose va commencer à se sentir vulnérable et coupable, alors que rien ne justifie réellement cet acharnement moral. Chacune des personnages aurait pu être la victime, mais le Groupe a choisi pour elles et leur influence réciproque les entraîne vers l’acte final. Mesquineries, bassesses, et cruauté envers une victime choisie, c’est bien le harcèlement moral que dénonce ici Isabelle Sorente.
Article AFP du 3 mars 2009
8 mars : 34% de femmes, victimes de discriminations au travail.
Une femme active ou retraitée sur trois (34%) a le sentiment d'avoir été victime de discrimination sur son lieu de travail parce qu’elle est une femme, révèle un sondage CSA pour la Halde réalisé à l'occasion de la Journée de la Femme le 8 mars.
Selon ce sondage, près d'un Français sur deux (46%) estime qu'être enceinte est un inconvénient dans l'évolution d'une carrière professionnelle et plus d'un Français sur trois (36%) partage ce sentiment à l'égard des mères de famille. En revanche, être une femme sans enfant est plutôt perçu comme un avantage (46%).
La difficulté à concilier grossesse et travail est un sentiment plus présent au sein des catégories les plus favorisées et les plus diplômées: 64% des cadres et professions libérales considèrent que la grossesse est un inconvénient pour l'évolution de leur carrière contre 43% des personnes appartenant à des catégories populaires.
Les discriminations ressenties par les femmes sont surtout perçues comme venant du sommet de l'entreprise: de la direction, pour 53% des femmes, du supérieur hiérarchique, pour 38%, 14% citant ensuite leurs collègues, 7% des clients ou des fournisseurs.
Interrogées sur leurs réactions à ces discriminations, 37% des femmes déclarent n'avoir rien dit; 31% déclarent en avoir parlé à leur direction, 16% ont alerté des représentants du personnel et 8% ont pris conseil auprès d'un avocat ou d'une association. En tout état de cause, les discriminations n'ont débouché sur des procédures que dans 5% des cas.
La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) note par ailleurs qu'alors que près de la moitié des réclamations qui lui sont adressées concernent l'emploi, 5,6% seulement sont liées au sexe ou à la grossesse.
Elle rappelle que ses interventions ont abouti à des condamnations: ainsi, une entreprise qui avait licencié une salariée qui venait de lui déclarer sa grossesse, a été récemment condamnée par la cour d'appel d'Orléans à lui verser 200.784 euros en plus de la nullité du licenciement.
Le sondage a été réalisé les 4 et 5 février 2009 auprès d'un échantillon représentatif de 1.012 personnes âgées de 18 ans et plus.
L’effet de groupe
Si Douce, Blanche et Belle se liguent contre Rose c’est parce que elles se sont entraînées l’une l’autre. Au début la dispute est légère mais au fur et à mesure on sent que ces femmes n’ont plus le choix : elles doivent choisir un camp, et de préférence celui des gagnants. Et le meurtre final prouve une chose : elles ne sont plus chacune devant leur propre conscience mais elles agissent pour et avec un groupe où leur responsabilité personnelle est amoindrie. Ici l’auteur nous pose la question de savoir où chacun se situe dans une communauté, une union, une bande. Ce sujet peut particulièrement résonner pour des adolescents, qui doivent se situer dans une classe, une école, une famille, et pour qui il est parfois difficile de se démarquer des autres. En effet, il n’est rien de plus rassurant que l’appartenance à un groupe et le sentiment de ne pas se sentir seul. Ferait-on n’importe quoi pour accéder à cette sécurité ? Jusqu’où peut-on aller ? Ose-t-on poser ses limites ? Ce sont des questions importantes qui peuvent mener les jeunes vers des réflexions évolutives. Le thème du rejet trouve sa place dans une école ou une classe, où pour certaines raisons on considère un élève comme « paumé », ou « hors du coup ». Loin de nous la prétention de vouloir prêcher le bien ou le mal, d’ailleurs le texte refuse le manichéisme, mais c’est une façon intéressante d’aborder la tolérance. C’est également une ouverture vers le débat sur la responsabilité de chacun en tant que citoyen, étudiant ou tout simplement ami. Est-on moins responsable de son acte parce que quelqu’un nous a poussé à le faire ? Voilà une question de tout temps, sur laquelle il n’est pas superflu de réfléchir.
Le manque de communication
Dans ce bureau chacune a son mot à dire, ses réflexions à faire et ses pensées à révéler. Cela semble évident, l’être humain ressent toujours le besoin de partager, de communiquer et d’être écouté. Le spectateur prend conscience au fur et à mesure que, sous une apparente amitié, ces femmes sont en fait obligées de s’entendre puisqu’elles ne se sont pas choisies, et ne se comprennent pas entièrement. Chacune possède son propre discours, qui ne rejoint pas toujours celui des autres. Leurs mots, leurs paroles, ne vont pas au-delà d’elles-mêmes ; ils sont comme bloqués dans leurs sphères personnelles et ne vont jamais toucher leurs semblables. Aucune d’elles n’acceptent d’écouter et de recevoir les pensées de leurs voisines ; obnubilées par le « je », elles se paralysent dans leur égoïsme. L’auteur met en scène de typiques conversations féminines où chacune préfère parler de soi et de son expérience plutôt qu’écouter l’autre. Au-delà de cela, elle dénonce le réel problème de non-communication, qui peut exister partout, dans nos familles, nos amitiés, nos écoles, nos entreprises ou encore entre dirigeants ou partis politiques. Ici, ce manque de communication conduira nos héroïnes vers l’irréparable.
La mode et le mimétisme
Douce, Blanche, Rose et Belle sont pareilles : elles ont les mêmes habits, le même genre de coiffure, les mêmes activités, leurs enfants ont exactement le même âge et le même sexe. L’auteur pousse leur ressemblance jusqu’à l’absurdité et ce mimétisme intégral est source de comique. Nos quatre héroïnes nous font légèrement penser aux Desperates Housewives : désespérées par la fatigue due aux tâches ménagères, l’éducation des enfants, le travail à accomplir, elles doivent en plus assumer leurs rôles de femmes, c’est-à-dire être habillées et arrangées parfaitement..( !) La mode et le besoin de faire comme tout le monde se ressentent intensément, et les magazines régissent la vie de ces femmes ultra-modernes. Le mimétisme est ici porté à son paroxysme, mais nous ne somme pas si loin de nos personnages… C’est une dénonciation des carcans dans laquelle la société place parfois la femme et également une dénonciation du pouvoir des médias, de la mode, des objets de consommation que régentent de plus en plus notre vie d’être humain. Ce sont encore une fois des thèmes qui nous touchent particulièrement ; où nous nous situons-nous par rapport à notre société ? Nos choix sont-ils personnels ou dirigés par des images et des idées qui nous sont imposées ? A nouveau ces questions sont pertinentes pour des adolescents pour qui parfois les habits, les marques, ou les avancées technologiques revêtent une importance capitale.
Arguments
Ces femmes, ces wonder-women qui désirent si farouchement ressembler aux mannequins de « Marie-Claire », se perdent dans leur quête du paraître. Nous les suivons, pas à pas, dans les méandres de leurs anecdotes, de leurs souvenirs mais aussi de leurs blessures intimes. Elles nous entraînent dans une farandole endiablée.
Cette pièce raconte la perdition de son « Moi » au profit de l’image, de l’annihilation de l’individu pour plaire à la cellule familiale, professionnelle et sociale. L’emprise et le pouvoir du groupe nous mènent irrémédiablement vers le fascisme, le totalitarisme, le crime. Détonante et prodigieuse machine à faire rire, cette pièce nous laisse un goût amer.
C’est aussi une réflexion sur les femmes libérées d’aujourd’hui... Le regard d’une femme qui parle d’autres femmes avec beaucoup d’amour mais aussi avec un cynisme débordant. Elle nous laisse réfléchir sur la question : « Etre femme au 21ème siècle, ça veut dire quoi ? Ca se vit comment ? ». |