vers biogra-fi F. Schiller

Ses pièces :

1782 :

Les Brigands

1783 : La Conjuration de Fresque
1784 : Intrigue et amour
1785 : Hymne à la Joie
1787 : Don Carlos infant d'Espagne
1798 : Le Camp de Wallenstein
  Les Piccolomini
1799 : La mort de Wallenstein
1800 : Marie Stuart
1801 : La Pucelle d'Orléans
1803 : La Fiancée de Messine
1804 : Guillaume Tell
  Demetrius (dernière pièce, inachevée)

Autres écrits :

1779 : Philosophie de la physiologie
1779 : Sur les rapports de la nature animale de l'homme et de sa nature spirituelle (essai)
1782 : Quelle action peut avoir une bonne scène permanente ? * (essai) cf. version de 1802.
1786 :

Le Criminel par infamie. Passionné d'histoire et de psychologie, à une époque où l'on marque encore les criminels au fer rouge, Schiller inaugure à Iéna, en mai 1789, un enseignement où l'histoire "n'existe que dans l'esprit de celui qui la construit ".

1788 : La Révolte des Pays-Bas
1788-1789 : Le Visionnaire (petit roman inachevé)
1792 : Sur l'art tragique (essai)
1793 : Leçon sur l'éducation esthétique de l’homme
1793 : Sur le pathétique (essai)
1794 : Du sublime (essai)
1795 : Poésie naïve et sentimentale
1802 : Le théâtre considéré comme institution morale* (essai) cf. texte de 1782.
1803 : Sur l'emploi du choeur dans la tragédie (essai)

Le Criminel par infamie

Le Criminel par infamie est un texte capital, la somme de ses écrits de jeunesse et un sismographe de l’époque. Il marque clairement la transition entre la révolte première et la conception esthétisante de sa maturité. Par sa densité, sa plasticité, sa violence, sa construction, ce récit paru en 1786 reste exemplaire. H. Böll se souviendra de la portée de la fable lorsqu’il écrira L’Honneur perdu de Katharina Blum, dans lequel l’engrenage de la déchéance est identique.

Schiller était un homme d’un génie rare et d’une bonne foi parfaite, ces deux qualités qui devraient être inséparables, au moins dans un homme de lettres… “C’est une belle chose que l’innocence dans le génie et la candeur dans la force.” (Madame de Stael).

Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’est aucun chapitre plus instructif pour le cœur et l’esprit que les annales de ses égarements. Dans chaque grand crime était en action une force relativement grande. Alors qu’à la lumière estompée des états d’âme ordinaires, le jeu secret de la force motrice reste caché, il n’en devient que plus manifeste, plus frappant, plus colossal lorsque éclate une passion violente ; le psychologue un peu subtil, qui sait combien on peut en réalité tabler sur le mécanisme de la libre volonté ordinaire, et dans quelle mesure il est permis de conclure par analogie, transposera plus d’une observation de ce domaine dans sa psychologie et en tirera profit pour son éthique.

C’est une chose si uniforme, et si complexe cependant, le cœur humain ! Une seule et même aptitude, un seul et même désir peut prendre mille formes et aller dans mille directions ; peut produire mille phénomènes contradictoires, peut se manifester en une combinaison différente dans mille caractères ; et mille caractères différents peuvent être tirés d’un seul et même penchant, même si l’homme dont il est question est loin de se douter de cette parenté. S’il se présentait, comme pour les autres règnes de la nature, un Linné pour le genre humain qui classât selon les instincts et les penchants, quel serait notre étonnement de retrouver dans un même ordre le monstre Borgia avec tant de personnes dont les vices sont présentement étouffés par la médiocrité de leur sphère bourgeoise et les étroites barrières des lois.

PRESSE

Pour Schiller, la psychologie et la morale ont tout à apprendre du crime : si l’autopsie du corps a permis à la médecine d’avancer à pas de géant, celle de l’âme ne doit pas demeurer en reste ; c’est dans les maisons de fous, dans les bordels, dans les prisons, dans les tribunaux que le psychologue un peu subtil fera son miel et que, à l’instar de Linné, il classera les instincts et découvrira chez ses semblable la monstruosité d’un Borgia.

Dans une postface en tous points remarquable, René Radrizzani expose la conception très moderne que Schiller se faisait de l’histoire : non pas un relevé de faits bruts, mais une construction ; non pas le récit d’une déchéance, mais un cas exemplaire dont l’enjeu philosophique reste à déterminer.

Roland Jaccard, Les annales de l’égarement, vendredi 8 février 1991

Cette histoire véritable entend prouver que le crime et la vertu sortent “d’un seul et même berceau”.

Passionné d’histoire et de psychologie, à une époque où on marque encore les criminels au fer rouge, Schiller inaugure à Iéna, en mai 1789, un enseignement où l’histoire “n’existe que dans l’esprit de celui qui la construit”. C’est déjà Fichte, voire Hegel. Parmi les penseurs romantiques, Schiller est l’un des plus résolus à débusquer au fond de l’inconscient “le jeu secret de la force motrice”. Pas encore obnubilé par Kant, il manipule son héros, l’écrase, l’enlaidit, et, tel le jeune Sartre, le pousse à produire sa liberté. “La vie est courte et l’enfer éternel”.

On retiendra ce “visage où tant de passions violentes s’étalaient telles des cadavres mutilés sur un champ de bataille”, et ce surnom fabuleux : l’aubergiste du soleil !

Dans le Wurtemberg, il servit longtemps à désigner les bandits de grand chemin.

Eric Bourde, Le Tueur de Schiller, Libération, 14 mars 1991

Le visionnaire

Le Visionnaire, petit roman inachevé, ébauché en 1786, repris en 1788-1789, est, parmi les œuvres de la période romantique de Schiller, celle que préfèrent les romantiques allemands. Rien d’étonnant à cela : aujourd’hui encore, ce récit constitue le véritable testament du premier Schiller. Les thèmes, riches et nombreux, feront florès : l’Italie et une Venise languissante et mortelle, l’occultisme et les pouvoirs mystérieux de l’homme, les sociétés secrètes, les relations entre l’ romaine et les diverses sortes de superstition, les rapports éternels entre illusion et tromperie, pouvoir et argent, corruption et droiture.

Au centre de l’intrigue, un personnage énigmatique et étonnant de magicien arménien qui fut sans doute inspiré à Schiller par Cagliostro. L’Europe tout entière retentissait encore alors de ses exploits. Déjà, comme aujourd’hui, s’opposent un grand courant sous-jacent d’irrationalisme et de religions hétérodoxes - qui offrent aux âmes que la philosophie régnante laissait insatisfaites la compensation de leurs rêveries mystiques et de leurs promesses - et un examen de conscience clair et individuel issu de la philosophie des Lumières. Et lorsque Béguin constate : “Ce siècle de la critique la plus défiante est aussi celui des divertissements (…) qui ont fait la fortune des bateleurs, des faux mages, des astrologues improvisés”, nous frappent quelques similitudes de situations.

Face à un être exceptionnel qui se veut maître d’une magie efficace, maître ès magnétisme, alchimie ou sciences occultes, que peut la simple raison du Prince, héros de ce récit ?

Le Visionnaire le précurseur du roman policier, comme le démontre Albert Béguin : “Toute la composition du récit, les énigmes qui s’y nouent, les relations inattendues qui se découvraient entre des faits apparemment sans liaison, entre des personnages que l’on croyait étrangers les uns aux autres, rappellent moins les romans du siècle qu’ils n’annoncent les procédés du futur roman populaire.”

EXTRAIT

Je vais narrer ici des faits que beaucoup jugeront peu vraisemblables, mais dont je fus presque toujours le témoin oculaire. Les rares personnes qui furent instruites de certaines conjonctures politiques trouveront dans ces feuillets - si elles vivent assez pour en prendre connaissance - des renseignements précieux. Pour les autres lecteurs, qui ne possèdent pas cette clef, mon récit ne manquera pas d’intérêt sans doute, et pourra être une contribution à l’histoire des erreurs et duperies de l’esprit humain. On s’étonnera de voir quelles fins hardies la méchanceté est capable de se proposer et de poursuivre ; on s’étonnera de l’étrangeté des moyens qu’elle peut mettre en œuvre pour parvenir plus sûrement à ces fins. La pure vérité guidera sévèrement ma plume ; car, lorsque ces feuillets verront le jour, je ne serai plus et la relation que je fais ici ne pourra ni me servir ni me nuire.

PRESSE

Ce petit roman est œuvre quasiment inconnue, atypique de Schiller. L’intérêt de cet ouvrage, outre qu’il nous révèle un Schiller inhabituel, réside dans les thèmes abordés : la magie, l’occultisme, les sciences secrètes, les superstitions et l’influence de tous ces phénomènes sur un individu. On peut y voir une préfiguration du conte fantastique romantique, on peut aussi penser à tous ces princes contemporains de Schiller avec leurs différentes lubies philosophiques et mystiques. L’abondante préface, très documentée, de Pierre Péju permet de resituer le roman à la fois dans l’œuvre de Schiller et dans le mouvement des idées de son époque ; de facture universitaire, elle est un outil précieux pour comprendre le romantisme allemand dont ce roman peut apparaître comme l’une des premières œuvres.

Rouy, Choisir, décembre 1996

Le Visionnaire pourrait se lire comme une anamorphose autobiographique dans laquelle Schiller aurait mis en scène les tensions et contradictions dont il se sentait prisonnier, qu’il ne parvenait pas à surmonter et dont il ne se délivrera que par une fuite vers le haut, le sublime, celui de son théâtre dont le succès immédiat lui interdira la redescente dans le monde des réalités.

Ouvrez donc le livre, lisez, écoutez cette voix, enfin délivrée de ses masques théâtraux, de ce rôle, la véritable voix enfin audible d’un Schiller “en souffrance”.

Patrick Cassou, Le Mensuel littéraire et poétique n°242


NOVALIS

Schiller fut un des grands enthousiasmes de la jeunesse de Novalis.

"Si un jour je produisais des oeuvres qui eussent quelque valeur originale et personnelle, si j’accomplissais quelque grande chose où se trahiraient une origine plus haute, une inspiration plus harmonieuse, c’est pour la grande part à Schiller que je devrais cette disposition, cette préparation en moi d’une forme plus parfaite. Il a tracé dans mon âme les lignes douces et suaves du Beau et du Bien"

"Assurément ce fut une des grandes erreurs du romantisme d’avoir renié Schiller et, avec Schiller, les grandes aspirations morales et sociales dont il s’était fait, au moins dans sa jeunesse, l’éloquent interprète." Emile Spenlé.

"Combien est vivace en moi le souvenir de ces heures où je le vis pour la première fois, lui, l’idole rêvée aux heures les plus belles de mon enfance, alors que la puissance souveraine des Muses et des Grâces faisait sur mon âme juvénile la première impression radieuse et durable, - le souvenir de cette heure où l’imagination toute pleine de mon idéal je me trouvai devant Schiller et vis mon idéal bien surpassé. Son regard me prosterna dans la poussière et puis me redressa de nouveau. Je lui donnai ma confiance la plus entière, la plus illimitée, dès les premiers instants, et je n’ai jamais eu le moindre soupçon que ma confiance fût précipitée."

"Le monde imaginaire situe le monde futur tantôt dans les hauteurs, tantôt dans la profondeur, tantôt dans la métempsychose de nous-mêmes. Nous rêvons de voyages à travers l’univers; mais l’univers n’est-il pas en nous ? Les profondeurs de notre esprit, nous ne les connaissons pas.
C’est intérieurement que va le chemin mystérieux. En nous, ou nulle part, sont l’éternité et ses mondes, l’avenir et le passé. Le monde extérieur est l’univers des ombres, qui projette ses ombres dans le royaume de la lumière. Si tout ce qui nous est intérieur nous apparaît aujourd’hui tellement obscur, solitaire et informe, combien en sera-t-il autrement quand cet obscurcissement sera derrière nous, et rejeté ce corps d’ombre! Nous serons satisfaits de jouissances comme jamais, car notre esprit a souffert privation
."

http://www.jose-corti.fr

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