Jean-Yves Picq

(1947-

à Mulhouse

Théâtre public et mondialisation juillet 2000

 

 

Réponses à Raffarin

Ecrivain de théâtre exclusivement, Jean-Yves Picq interrompt son doctorat de lettres et quitte l'Alsace pour travailler avec Roger Planchon qu'il rencontre sur L'Infâme et qui est alors un des rares directeurs de théâtre en France ayant un projet d'écriture. Il le suivra, soit comme comédien, soit comme assistant jusqu'en 1979, participant ainsi à la création du TNP à Villeurbanne ainsi qu'aux spectacles de cette décennie (Tartuffe, Le Cochon noir, Gilles de Rais, Par-dessus bord, les Shakespeare etc).
Il crée parallèlement sa compagnie, le Théâtre de la Balance, et monte ses propres pièces. Après un détour de trois années pendant lesquelles il apprend l'ébénisterie, il revient à l'écriture de théâtre grâce à une bourse en 1985 du Centre national du livre. Suivent alors de façon ininterrompue une douzaine de textes qui sont montés en France mais aussi à l'étranger ou à la radio. Partition, Callas (Molière 89 de la révélation théâtrale pour son interprète Elisabeth Maccoco), Pilate et Le Boxeur pacifique ont bénéficié d'aides à l'écriture du Ministère de la Culture. Le Contrat des attachements a obtenu une bourse de création du CIC Paris-Théâtre. En 1991, il participe à la résidence d'écriture de comédie organisée par le Centre national des écritures du spectacle-La Chartreuse et y écrit Etat des lieux, qu'il crée à La Chartreuse en 1994. A nouveau résident en 1993, il y écrit Le Boxeur pacifique. Il est également boursier de Beaumarchais en 1992 pour Le Cas Gaspard Meyer. En 1994-1995, il est accueilli en résidence au Théâtre du Vieux Givors. En 1996, il obtient une nouvelle bourse de création du Centre national du livre. Il est également l'auteur de Doberman, Voïces ou Le Retour d'Ulysse, Falaises, Franz ou Les Changements profonds, Les Effrayants, Conte de la neige noire ou De la démolition comme art et comme projet.
"Que ce soit dans ses nouvelles théâtrales ou dans le théâtre plus épique de ses pièces plus longues, qui, toujours, baignent dans des univers étranges, ou aux confins de l'étrangeté, le travail de Jean-Yves Picq semble trouver son sens, sa cohésion dans la question de la fonction du langage. Pour
Sénèque, rappelle-t-il, les langues sont les maîtresses des âmes." Nelly Gabriel Lyon Figaro 25.03.94
"Quand du fait d'une panne prolongée d'électricité, pour cause de guerre, de grève ou d'accident naturel, la plupart des moyens de communications actuels - télévision, cinéma, ordinateurs, etc... - se trouvent mis hors d'usage, une bougie et trois cailloux suffisent à poursuivre le récit du monde. Je ne suis pas pour ce minimalisme, bien entendu. Je dis seulement que c'est ce qui fonde l'authenticité de l'acte théâtral et me le rend précieux. Ce n'est pas être passéiste que de rappeler à tout navigateur entreprenant la traversée de l'Atlantique, avec à son bord la plus haute technologie et la navigation par satellite, que ces merveilles ne le dispensent pas de savoir faire le point au sextant, sous peine de se trouver complètement perdu sur la mer immense en cas de défaillance, même minime, de ses batteries. L'acte théâtral a quelque chose à voir, il me semble, avec la pratique du sextant. De là vient, dans le pessimisme ambiant, mon optimisme radical dans la nécessité du théâtre."

Pour Jean-Yves Picq, le théâtre est échange, l'écriture des textes théâtraux n'a d'autre ambition que le partage. Après avoir accompagné Roger Planchon au TNP, mis en scène lui-même et fait l'acteur, il a écrit une douzaine de pièces de théâtre jouées et rejouées. S'interrogeant sans cesse sur la question du théâtre, son rôle, sa place, ses dérives, il en vient aujourd'hui, peut-être momentanément, dit-il, à proposer des textes pour la scène d'où la fiction lentement s'efface. "La fiction ? Je ne sais pas quoi en faire." Ses derniers textes mettent moins en scène des personnages que des hommes, mis à nu, sur la scène, parlant à d'autres hommes, dans la salle. La notion même de "représentation" le questionne. : "Que signifie le mot, s'agit-il de remettre quelque chose au présent ?" Pour lui, l'auteur et les spectateurs interviennent à part égale dans l'acte théâtral. L'auteur crée une matière, acteurs et public créent l'émotion avec lui. Du public, il dit cela, qu'il est "une formidable puissance atomique d'émotions". Dès lors, la séparation même entre scène et salle le questionne. Son dernier texte, Sylvestre, a vu les spectateurs debout dans le même espace que l'acteur, dans la même intimité, presque avec le même statut.
"Sur scène, je veux de la pensée" dit-il. Parce que la pensée est charnelle, sensuelle, parce qu'elle invite à partager la joie et la douleur de l'être. Ce qu'il dit du combat dans le Boxeur pacifique peut sans doute être appliqué au théâtre "une éternité de quelques rounds toujours recommencée."

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