William Shakespeare

(1564-1616)

Angleterre

Richard III

 

Hamlet

 

La Nuit des rois

 

Macbeth
(lien)

 

Le Roi Lear

 

Othello

 

Mesure pour mesure

 

La Tempête

Chaque fois que j’ai lu Shakespeare, il m’a semblé que je déchiquetais la cervelle d’un jaguar.
Lautréamont, Poésie, 1870

Krzysztof Warlikowski – Je sens que ce théâtre veut dire quelque chose, que chaque pièce en est un exemple : l’homme lutte et veut exprimer quelque chose. Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus disposés à écouter ces thèmes. En rejetant ce qui est convention, on parvient à l’essence de ce qui parle aux spectateurs d’aujourd’hui. Je crois que Shakespeare faisait un théâtre avec des manifestes et après avoir lu toutes ses pièces, on pourrait rédiger le manifeste du théâtre dans lequel il croyait.
Piotr Gruszczynski – Si nous l’écrivions maintenant, il s’exprimerait comment ?
K. W. – Le théâtre est le miroir de la vie.
P. G. – Ce manifeste devrait se composer des citations connues ?
K. W. – Pas nécessairement. Mais il devrait certainement contenir le thème de la lutte des sexes. Chaque pièce, à mon sens, parle de cette question : c’est l’histoire d’un fils et de sa mère, l’histoire d’un homosexuel, de la jalousie, ce sont des trios, c’est l’amertume d’être rejeté, l’amertume de la vieillesse. (1)

Krzysztof Warlikowski - […] Rappelons-nous toujours que Shakespeare avait affaire à diverses sortes de public. Par exemple celui qui appréhendait le théâtre le plus directement, confondant fiction et réalité. (2)

K. W.– […] C’est un auteur dramatique très sombre, le monde obscur des passions, de l’explosion irrationnelle des instincts. Dans l’histoire moderne, le théâtre élisabéthain est la plus grande déclaration d’une génération sur ce thème. (3)

Krzysztof Warlikowski, Théâtre écorché, Arles, Ed. Actes Sud-La Monnaie De Munt, série "Le Temps du théâtre", dirigée par G. Banu et C. David, 2007, (1) p.43, (2) p.45, (3) p.45-46.

Il y a dans le style des maîtres quelque chose de net, de franc, de voulu, d’insouciant et d’original qui alarme le bourgeois tout de suite ; à cette familiarité hautaine, à ce laisser-aller grandiose, à cette allure formidablement aisée, qui sont les caractères du génie, les natures vulgaires entrent en inquiétude. Elles sentent qu’elles vont être rudement secouées dans leur honnête quiétisme ; la médiocrité a quelque chose d’obséquieux et de patelin qui leur convient et beaucoup de gens préfèrent les chiens caniches aux lions, sous le prétexte que ces derniers ont le poil rude et fauve, la crinière hérissée, des ongles d’airain, des regards jaunes d’un éclat insupportable et avalent quelquefois les personnes les plus honorables sans se soucier de leur position sociale. […] Hamlet viendrait aujourd’hui, pâle et le front dans la main, agiter la fameuse question d’être ou de n’être pas, on l’enverrait se promener ; on lui dirait : « Mon cher prince de Danemark, retournez à Elseneur. » La question est d’épouser un million ou de trouver cinq cent mille francs pour le payement du 15. – Voilà qui est dramatique.

Théophile Gautier, feuilleton de La Presse, 27 avril 1842.

Cité par Marie-Eve Thérenty, La Littérature au quotidien. Poétique journalistiques au XIXème siècle, Paris, Seuil, coll. « Poétique », Gérard Genette (dir.), 2007.

William Shakespeare naît à Stratford, vraisemblablement le 26 avril 1564, selon le registre des baptêmes de la ville. La ville, située à 150 km de Londres, était une paisible ville de marché, renommée pour ses foires et dans laquelle s'arrêtaient des troupes itinérantes de comédiens.
Shakespeare a certainement assisté aux représentations des acteurs itinérants et des troupes connues qui transitaient par Stratford. Un autre événement, particulièrement fastueux, l'aurait marqué plus encore. Durant l'été 1575, la reine Elisabeth 1ère se rendit en grande pompe au château de Kenilworth, voisin de Stratford. Le comte de Leicester, prétendant de la reine, y avait organiser un magnifique festival, dans l'espoir de la charmer, qui comprenait des spectacles de théâtre, de musique, de chants avec des bals et des feux d'artifices. Ces journées ont sans doute sensibilisé le jeune homme à la magie du théâtre.
On le retrouve à Londres en 1592 où il se fait remarquer comme acteur et comme auteur. Il acquiert même rapidement une telle réputation qu'il déclenche les foudres des dramaturges reconnus de l'époque. La «guerre des poètes» est déclarée, menée pas Robert Greene, qui lui reproche son arrivisme et sa cupidité. Tous ces reproches seront démentis par plusieurs personnes et il semble que tous ceux qui l'ont connu n'aient eu que de l'admiration pour lui.
En 1593 et 1594, des épidémies de peste entraînent la fermeture des théâtres et la dislocation des troupes de comédiens. Shakespeare quitte Londres, sans doute pour Stratford, et publie deux recueils de poèmes : Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce (ses Sonnets, qui datent à peu près de la même époque, ne seront publiés qu'en 1609).
A son retour, Shakespeare fait régulièrement partie de la troupe des Chamberlain's Men et tout indique qu'il y occupe une place importante. A cette date il a déjà écrit, en plus des deux recueils de poèmes, plusieurs pièces. Celles-ci connaissent un grand succès populaire et sont très lucratives. En 1597 déjà, sa réussite lui permet d'acheter une des plus belles maisons de Stratford, où sa famille continue à vivre sans lui.
Peu après la mort de son fils Hamnet en 1597, d'autres ennuis pointent à l'horizon : en 1598 (ou 1599), les acteurs de la troupe des Chamberlain's Men - compagnie à laquelle Shakespeare est attaché depuis ses débuts à Londres et au sein de laquelle il évoluera tout au long de sa carrière - n'obtiennent pas le renouvellement du bail du terrain où se trouve leur théâtre londonien. La magistrature municipale, considérant les représentations théâtrales comme une forme de divertissement populaire impie et immoral, chasse les artistes : « La cause de la peste, c'est le péché, la cause du péché, c'est le théâtre, donc, la cause de la peste, c'est le théâtre ».
Inébranlable, la troupe démantèle le vieux théâtre et le transporte planche par planche de l'autre côté de la Tamise. C'est dans un quartier malfamé de la rive sud, parmi les maisons de jeux, les maisons closes et les combats d'ours, que les compagnons de Shakespeare érigeront leur nouveau théâtre.
C'est la naissance du Globe, un des plus merveilleux théâtres de l'époque. Shakespeare est copropriétaire et son précieux 10% d'actions fera sa fortune. La première pièce présentée au Globe est vraisemblablement Jules César.
Si la chronologie des oeuvres n'est pas toujours claire, le «canon» shakespearien fait néanmoins l'objet d'un large consensus, même si régulièrement on lui attribue une nouvelle pièce ou lui conteste la paternité d'une autre. Au tournant du siècle, on sait qu'il en a déjà écrit une vingtaine, au rythme de 2 ou 3 par année. A partir là, son théâtre devient plus troublant et plus sombre ; il compose
Hamlet en 1601 puis, entre 1604 et 1607, Othello, Macbeth et le Roi Lear.
En 1603, Jacques 1er est couronné roi d'Angleterre. Quinze jours après son accession au trône, les comédiens de la troupe de Shakespeare deviennent les «Hommes du roi», les acteurs de la cour et du roi. Shakespeare est maintenant le dramaturge le plus en vue de l'époque. On a accordé des armoiries à sa famille quelques années auparavant et il est maintenant un gentilhomme.
En 1613, le théâtre du Globe est ravagé par les flammes pendant une représentation d'Henry VIII. C'est un coup de canon tiré à blanc qui a mis le feu à la paille du toit. Il n'y a eu aucune victime mais en deux heures le théâtre a été entièrement détruit. On a reconstruit un nouveau Globe, cette fois sans Shakespeare. L'incendie a marqué la fin de la carrière du dramaturge qui s'était déjà retiré à Stratford pour y écrire ses trois chefs-d'oeuvre de maturité : Cymbeline, Le Conte d'Hiver et La Tempête.
William Shakespeare se retire en homme riche. Il est gentilhomme, homme d'affaires et propriétaire terrien. Sa maison de New Place, achetée en 1597, est l'une des plus grandes de Stratford. Toute la ville tient le poète en haute estime.
Shakespeare meurt le jour de son 52ème anniversaire sans voir ses pièces officiellement publiées. Elles ont été réunies pour la première fois en 1623 par ses amis et ses compagnons de scène.

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