Isaac Ilitch Levitan (1860-1900)

Né dans le quartier commercial de Kibarty, près de Verjbolovo [Virbalis], dans la province de Suvalki (aujourd’hui la Lituanie), en 1860. Mort à Moscou, en 1900. Lévitan était le fils d’un employé des chemins de fer. De 1873 à 1883, il fit des études à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou sous la conduite d’A.K. Savrassov et de V.D. Polénov. Il gagna sa vie en donnant des cours particuliers et travailla pour un certain nombre de revues qui publiaient ses dessins et ses lithographies. Il œuvra dans l’atelier des décors de l’opéra privé de S.I. Mamontov, enseigna la peinture dans des classes de beaux-arts notamment, à partir de 1892, à l’École de Moscou. Il eut dans cette dernière pour élève M.F. Larionov, P.V. Kouznetsov et M.S. Saryan. Chaque année, Lévitan se rendait dans la région de Moscou pour y faire des esquisses. Il partait en outre pour des voyages plus lointains à travers la Russie, notamment en Crimée et dans la région de la Volga. Il visita aussi des pays européens comme l’Allemagne, la France et l’Italie. Il fut membre : de la Société des amateurs d’art de Moscou, à partir de 1888 ; de l’Association des expositions itinérantes, à compter de 1891 ; et de la Sécession de Munich, à partir de 1897. En 1898, on lui a conféré le titre d’académicien. Lévitan peignait à l’huile et à l’aquarelle. C’était aussi un graphiste et il fit plusieurs pastels. Il fut un paysagiste lyrique remarquable, un maître des paysages d’atmosphère, dans lesquels les grands espaces infinis de la nature russe sont souvent teintés de tons élégiaques et mélancoliques.

L'artiste peint un monastère perdu au milieu des forêts, dont les églises et le clocher flottent dans les rayons du soleil couchant. Il s'agit d'un monastère russe typique, que Lévitan a peint selon les impressions qu'il a eues près de la Volga et dans la ville de Zvenigorod. Le ciel, la forêt et le monastère se reflètent sur la surface de l’eau lisse et paisible. Tous les éléments du paysage se fondent dans une douce harmonie musicale. Le peintre semble matérialiser dans cette image, à la beauté et à la paix surprenantes, le concept de vie idéale assujettie aux lois de l'harmonie suprême, quand l'humain fait un avec le divin et qu'il n'y a pas de place pour l'angoisse, l'agitation et la vanité futile.

Après la mort de Lévitan, son frère a classé ce tableau parmi les études. Cependant, le spectateur attentif peut voir dans cette composition une œuvre tout à fait finie, parachevée, accomplie. Lévitan crée l’impression de courants à la fois aériens et lumineux qui tourbillonnent au-dessus de la terre. Un peu plus tard, Nicolas Rœrich reprendra un motif semblable, celui d’un énorme nuage au-dessus de la plaine, en y introduisant une sonorité philosophique et en ayant recours à un traitement symboliste de la forme. Lévitan a utilisé ce motif en tant que modèle de perception profonde de la nature et des lois qui déterminent l’interaction de tous ses éléments.
 La toile Octobre fut réalisée à partir d’une étude faite à l’aquarelle. Cette étude, qui fait maintenant partie de la collection de la Galerie Tretiakov, fut effectuée au village de Zatichié, dans la région de Tver, dans le domaine de Nikolaï Panaphidine, l’oncle de Lika Mizinova ; elle était elle-même une amie d’Isaac Lévitan et d'
Anton Tchekhov. Dans le tableau, peint dans des tons ternes et flétris, l’état de décomposition de la nature automnale est rendu avec beaucoup de finesse ; cet état correspond à l’angoisse éprouvée par l’artiste et au sentiment de solitude qui domine dans son âme. Lévitan savait mieux que personne rendre le ciel automnal de plomb de la Russie centrale, si expressif et si beau, en parsemant la couleur grise de teintes bleu clair et de violet. La combinaison des teintes grise et ocre, les contours mal définis des bouleaux qui tremblent dans le vent et la dentelle des feuilles dorées créent un authentique sentiment de tristesse légère.

Lévitan, grand maître du paysage lyrique, aspirait à trouver des réponses à ses méditations philosophiques profondes sur le sens de l'existence humaine ainsi que sur le destin et la place de l'homme dans le monde. Le tableau Au-dessus du repos éternel est fondé sur la présentation fidèle du lac Oudomlia, près de Vychniï Volotchek, dans la région de Tver. Toutefois, on ne perçoit pas l’œuvre comme la représentation d'un lieu précis. L'image est trop générale pour cela ; on peut affirmer que le portrait de la nature est symbolique et ne peut pas être réduit à une seule interprétation. L'eau et le ciel cernent de toutes parts un îlot ouvert à tous les vents, où se trouvent un cimetière abandonné et une chapelle dans la fenêtre de laquelle une timide flamme vacille à peine. Lévitan a su dépasser le cadre d’une présentation réaliste. L'image picturale monumentale créée par le peintre engendre des réflexions sur la vie et la mort, sur le caractère insignifiant de l'existence humaine ainsi que sur son fragile destin face à une nature éternelle et majestueuse. Lévitan écrivait à Tretiakov au sujet de ce tableau : « Ce tableau me représente complètement, dans toute ma psychologie, dans tout mon être ».

Au début des années mille huit cent quatre-vingt-dix, Isaac Lévitan, le grand maître du paysage lyrique, a créé des œuvres profondément poétiques. Il changea sa technique picturale et passa de l’huile au pastel, à ses potentialités fines et nuancées et à ses surfaces veloutées. En 1894–1895, le peintre a résidé au domaine Gorka, dans la région de Tver, chez des connaissances moscovites, les Tourtchaninov. Il s’y est rendu plusieurs fois, et y a parfois même passé quelques mois. La construction de ce paysage - les couleurs délavées, la verticalité monotone des troncs - s’efforce de rendre la tristesse de la nature devant sa propre flétrissure. Une note d’angoisse est présente dans cette composition. Cette angoisse se devine au dessin des branches dénudées peintes de traits nerveux de pastel noir. Par sa tonalité et sa mélodie triste mais claire, ce paysage rappelle le récit de Tchekhov La maison à mezzanine, qui fut également inspiré par un séjour au domaine Gorka.

Lévitan est connu comme l'un des paysagistes les plus raffinés et les plus pénétrants. Le concept de paysage en tant qu'émotion est entré dans la peinture russe avec son œuvre. Il savait rendre la vraie beauté de la nature dans toute la diversité de ses états changeants et, en même temps, présenter l'état de l'âme humaine dans ses émotions les plus subtiles, par le biais de paysages. C'était une précieuse qualité dans le génie du peintre. Le tableau plein de liesse L'automne doré est une sorte de chant d'adieu aux dernières floraisons de la nature, à la vivacité inhabituelle des teintes, à l’or étincelant des bouleaux, et à la multitude des couleurs qui égaient le sol. Réalisée brillamment et avec une grande maîtrise, cette toile paysagère est caractérisée par la complexité de la composition des couleurs et par la densité variable de la peinture, sur laquelle se distinguent d’épais traits colorés.

Dans les années 1887–1890, Lévitan choisissait comme lieu de travail, au printemps et en été, les régions proches du grand fleuve russe de la Volga. Le peintre voyageait beaucoup le long de la Volga, mais habitait surtout dans la petite ville de Pliosse. Grâce à la Volga, les dons du peintre purent s'épanouir, car les grands espaces de ce fleuve russe lui offraient une nature très diversifiée comme objet d’inspiration. Le Vent frais. La Volga est l'un des tableaux les plus joyeux de Lévitan, appartenant au cycle de la Volga. La tonalité dominante de cette toile est celle de l'optimisme. L'artiste utilise courageusement des couleurs vives et éclatantes, et sa peinture est dense et franche. Le mouvement domine dans ce tableau, empreint de sentiments d'une grande allégresse et de joie, causés par les larges et libres étendues de la Volga. L'observateur a l'impression de ressentir la fraîcheur et la puissance du vent qui pousse les nuages dans le ciel et agite les eaux du fleuve.Retour page précédente