Heinrich von Kleist

(1777-1811)

Né à Francfort-sur-l'Oder, le 18 octobre 1777

Suicidé à Wannsee, le 21 novembre 1811

La correspondance de Kleist se lit comme un roman : le roman d'une vie. Rédigées dans une écriture serrée et penchée, ce sont presque toujours de très longues lettres où Kleist se livre dans un mélange de virulence et de naïveté. Génie polymorphe, il se révèle autant attaché à la philosophie qu'à la politique, aux sciences qu'au journalisme, au drame qu'au récit, à la gloire qu'à la solitude.
Toute la correspondance de Kleist n'est pas parvenue jusqu'à nous ; bien des lettres ont disparu. Wilhelmine von Zenge, son éphémère fiancée, en a brûlé une grande partie. Il nous reste toutefois plus de deux cents lettres échelonnées sur quatorze ans. À partir de 1799, date à laquelle Kleist prend la décision de quitter l'armée et de se consacrer à l'étude et à l'écriture, le flot est ininterrompu jusqu'à son suicide en 1811 sur les bords du Wannsee, à Berlin.
Il est symptomatique de voir que, durant les premières et les dernières années, ses lettres sont presque exclusivement adressées à des femmes ; Kleist a manqué d'amour et ce manque lui fut fatal. La correspondance s'ouvre sur une recherche effrénée du bonheur et se clôt sur une sérénité pathétique. « La vérité, c'est qu'on ne pouvait pas m'aider sur terre », écrit-il à sa sœur Ulrike, la veille de sa mort.

 

 

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bio & pacte du suicide

"Il est bien plus grand et plus parfait que [Schiller].
On ne peut le ranger qu’à côté de Gœthe, qui a peut-être pu l’inspirer, mais auquel il n’est jamais subordonné.
Seul Shakespeare l’a enfanté" (J. Grimm)

Poète et dramaturge, Heinrich von Kleist a également participé à des revues littéraires.
Il fait des études à Francfort-sur-Older. Il n'a pas onze ans quand son père, capitaine de l'armée prussienne, meurt.
Il devient officier dans l’armée prussienne en 1792. au sein de laquelle il participe au Siège de Mayence (1793) et au Blocus de Mayence. En 1799, à 22 ans, il abandonne sa carrière militaire pour la littérature et se passionne pour la philosophie de Kant et Rousseau. En 1803, il rédige, avec Goethe, La Cruche cassée, son unique comédie, une oeuvre théâtrale qui ne remporte pas le succès escompté.

Il voyage dans divers pays d'Europe. Il écrit des nouvelles et des pièces de théâtre qu'il ne vit jamais représentées de son vivant. Il lance également plusieurs revues littéraires, qui restent éphémères. Soupçonné d'espionnage, il est incarcéré par les Français en 1807 pendant quelques mois au Fort de Joux.

Il écrit une farce intitulée Sur le théâtre de marionnettes, La Famille Schroffenstein, des pièces de théâtre, des drames dont Le Prince de Hombourg - interprété par Gérard Philipe en 1951 en Avignon - ainsi que des nouvelles comme La Marquise d'O, adapté au cinéma par Eric Rohmer. Trop moderne pour son époque, il ne parvient pas à trouver son public. Dans ses Correspondances, des lettres qu'il écrit à ses amis ou à sa fiancée sur la littérature, la politique, Heinrich von Kleist se révèle un écrivain rêveur, passionné mais aussi un être déchiré, déçu, en mal de vivre. Dans Penthésilée, la reine des Amazones - une histoire tragique et charnelle - une tragédie sur la mythologie grecque, ce génie incompris mêle l'amour à la mort.

Les critiques reconnaissent des similitudes très fortes entre le caractère tragique de la vie du poète et son œuvre dramatique.
Sa prose est empreinte de romantisme tout en étant nébuleuse et éthérée, charnelle et incandescente. Heinrich von Kleist interroge dans ses pièces le sentiment amoureux et les institutions qui pèsent sur les individus fragilisés.

Après l'échec de sa dernière pièce, Le Prince de Hombourg, il se suicide à trente-quatre ans, dans l’île aux Paons (Pfaueninsel en allemand) sur le lac de Wannsee, près de Potsdam avec son amie Henriette Vogel qui est atteinte d’une maladie incurable ; il lui tire une balle de pistolet puis se tue. Il écrit à propos de cette jeune femme à sa cousine Marie : " Elle a bien compris que ma tristesse était un mal supérieur, profondément enraciné, incurable, et elle a décidé de mourir avec moi, bien qu’elle dispose des moyens de me rendre heureux ici-bas. " Sur sa tombe on peut lire un vers extrait du Prince de Hombourg : « Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein! » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)

Sa Correspondance complète 1793 - 1811
Le journal que tenait Kleist et qu'il appelait Histoire de mon âme ayant disparu sans doute à jamais, c'est dans sa Correspondance qu'il faut aller chercher ce que cet homme qui se disait "inexprimable" a pu tenter de livrer directement de lui-même. Kleist, en qui chacun reconnait aujourd'hui, le « vrai poète tragique de l'Allemagne », resta tout à fait incompris de ses contemporains. Rejeté par Goethe avec la brutalité meurtrière que l'on sait, alors que Kleist lui soumettait sa
Penthésilée dans les termes d'une humilité devenue fameuse (« je mets mon cœur à genoux devant vous  » - lettre du 24-1-1808), il ne fut jamais accepté par les Romantiques eux-mêmes qu'avec réticence, gêne ou embarras. Il faudra attendre Nietzsche pour que la « singularité » encombrante de Kleist soit reconnue pour ce qu'elle est : la sublime « impossibilité de vivre » une existence privée d'absolu. Et Nietzsche cite la lettre, devenue fameuse elle aussi, où Kleist dit comment la lecture de Kant l'a réduit au désespoir, lui retirant tout but, une existence condamnée au relatif devenant l'« incurable » même.

Esprit tourmenté et violent, affligé d'une santé fragile, qui le jeta plus d'une fois dans la pire détresse, apparemment hanté sans cesse de difficultés sexuelles, Heinrich von Kleist mène la vie la plus heurtée qui se peut imaginer. Frustré de satisfactions sentimentales, maladroit dans l'action, il ne trouva que dans la création littéraire l'aliment dont sa fiévreuse ambition avait besoin. Mais, dans ce domaine aussi, il usa de malchance. Goethe, qui détestait l'art intempérant de Kleist, lui ferma beaucoup de portes. Jamais Kleist ne put voir représenter sur la scène aucune des pièces qu'il écrivit. La postérité, elle aussi, mit longtemps à le retrouver : il fallut attendre les années 1920 du XXe siècle et les temps de l'expressionnisme pour qu'on découvrit enfin son génie. Mais, depuis cette époque, on n'a plus guère cessé de voir en lui un des plus grands tragiques - le plus grand peut-être - des lettres allemandes.

Stefan Zweig lui a consacré une biographie particulièrement psychologique dans l'ouvrage intitulé Le combat avec le démon paru en allemand en 1925.

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