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René de Obaldia (1918- né le 22 octobre, à Hong-Kong
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« J’ai toujours été étonné d’être né. Je suis ébahi de continuer d’exister. Je serai moins étonné lorsque je mourrai… » A la fois écrivain, poète et dramaturge, René de Obaldia mérite sans nul doute de figurer dans le panthéon des auteurs de théâtre contemporains. Qui ne se souvient de l'époustouflante et coruscante représentation, en 1965, de sa pièce Du vent dans les branches de sassafras avec un Jean Marais désopilant à souhait dans le rôle principal ? Ou bien de Monsieur Klebs et Rosalie, représenté en 1975 ? Ou bien encore de cette pièce scabreuse, intitulée Grasse matinée, qui fut créée sur France-Inter, dans l'émission « Les tréteaux de la nuit » (émission du 29 octobre 1977, réalisée par JJ. Vierne, avec Rosy Varte et Odette Laure) ? Le théâtre d'Obaldia - né à Hong-Kong en 1918 d'un père panaméen ! - reste trop peu joué dans nos salles... Il est vrai que ce théâtre promet un beau désordre sur scène ! Obaldia a fait ses études au lycée Condorcet, à Paris. Puis il fut mobilisé durant la Seconde Guerre mondiale. Il sera fait prisonnier et envoyé, en Silésie, dans un camp où il restera jusqu'en 1945. De 1952 à 1954, il occupera le poste de directeur adjoint au centre culturel international de Royaumont. Depuis les années 1960, il s'est consacré avant tout au théâtre. Le théâtre, avec lui, est une cérémonie de parole, une fête du langage. En parfait rhétoricien, il cultive, aussi bien qu'un Raymond Queneau dans ses Exercices de style, l'art de l'équivoque, les ambiguïtés du langage, les syllepses de sens, les à-peu-près, les contrepèteries, le kakemphaton*, les antimétathèses, les lapsus, les phébus, les hendiadyns, j'en passe. Son style est à la fois simple et amphigourique. Obaldia tourne résolument le dos à l'académisme et au conformisme bourgeois. Avec lui, même dans la tombe, même coincés dans une caisse en sapin, on rit aux larmes. C'est le cas pour Grasse Matinée. Il s'agit de deux vieilles femmes, décédées, qui papotent d'un cercueil à l'autre au fond d'un cimetière et qui se gaussent de leurs orgasmes simulés, jadis... Entre autres anecdotes... Inoubliable aussi, ce Banquet des méduses, radiodiffusé sur France-Culture le 27 mars 1971, pièce au cours de laquelle notre auteur se déchaîne contre les charlatans d'une psychanalyse de bazar, d'une psychologie de supermarché. Dans la préface du Banquet des méduses, (éditions Grasset), Obaldia fustige les « lacaneries » d'une « psychanalyse qui n'a ni le génie de Freud ni celui de Jung » A lire ou à voir absolument ! La femme intéresse beaucoup Obaldia, qui souvent, la représente avec finesse, avec tendresse et cruauté à la fois. A croire qu'il partage l'opinion un peu misogyne de Paul Valéry qui considérait qu'il y avait trois catégories de femmes : « les emmerdeuses, les emmerdantes, et les emmerderesses ! ». Dans la pièce ayant pour titre Deux femmes pour un fantôme, créée le 22 novembre 1971 au Théâtre de l'Oeuvre (réalisation de Pierre Franck), Obaldia met en scène deux femmes qui veulent posséder cet homme pour le réduire en quelque sorte à leurs propres représentations mentales. Mais cet homme, Pierre, est déjà au-delà, il est « mort tout frais » dans un accident de la route... Citons également La Baby Sitter ou encore les énigmatiques Jumeaux étincelants. Les potaches pourront allégrement se régaler de la Classe terminale, un pot-pourri de potacheries et bizutages en règle, qui rappelle combien les professeurs pouvaient maltraiter leurs élèves. Les temps ont bien changé... Et puis, on peut aussi, bêtement, se surprendre à rire en se battant les flancs avec Du vent dans les branches de sassafras. Le théâtre d'Obaldia, c'est la planche de salut des désespérés : un plaisir scénique inouï, une religion de l'humour, une vague déferlante de mots capricieux. C'est du Goldoni et du Molière, du Labiche et du Feydeau, du Ionesco et du Beckett, du Queneau et du Perec, du Jules Renard et du Courteline, tout à la fois. Notre dramaturge apprécie la forme brève, il faut en convenir. Et la forme brève est à son théâtre ce que le parfum est à l'eau de toilette. Un théâtre de bouts de ficelle, à l'espagnole, dans la tradition d'un André Antoine, du Théâtre libre, avec pour seules bornes les trois murs de la scène. Obaldia joue en quelque sorte aux Bouvard et Pécuchet de son temps - les deux cloportes de Gustave Flaubert. Pour Obaldia, le théâtre est à la fois récréation et re-création : il faudrait relire le prologue des Bons Bourgeois, (éditions Grasset) pour s'en convaincre. Pour lui, comme pour Cioran dont il cite l'ouvrage De l'inconvénient d'être né, l'homme ne cesse de « bricoler dans l'incurable ». Obaldia est aussi un critique d'art. Il n'a de cesse de dénoncer la récusation du langage, parent pauvre de nos «scénologues» modernes. Récusation qui, selon lui, prend la forme d'une mise en doute du texte d'auteur, d'une suspicion généralisée à l'égard de l'écriture littéraire. « Le rire serait-il bourgeois ?» Obaldia semble se poser naïvement la question... Non, non, du tout. Rien à voir avec la muséographie du comique de boulevard. Le théâtre de René de Obaldia, il carillonne, en cadence, au diapason avec une intelligence qui semble tout comprendre. Travail personnel du professeur, Bernard Mirgain
« Je ne pense pas être dans l’absurde, mais dans le mystère. Pour moi, la vie est une énigme. Je suis d’une nature joyeuse et optimiste, que je transpose dans un humour métaphysique à l’espagnole. Cervantès est à la fois profond et drôle. J’aime cette phrase de Sancho : “L’homme est comme Dieu l’a fait et bien souvent pire”. » « C’est fascinant, de regarder l’envers d’un tapis avec tous ces fils de couleur qui se croisent sans signification. On retourne le tapis et cela forme quelque chose. » |
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