Sur la grande route

(1897-1899)

 

d'Anton P. Tchekhov (1860-1904)

cliquer pour agrandir

En 1885, Tchekhov esquisse Sur la grand’route, en cinq scènes sèches. Elle porte le sous-titre « Étude dramatique en un acte » et ne fut publiée qu’après la mort de l’écrivain, la censure tsariste s’étant opposée à la représentation de cette œuvre jugée sombre et sordide.

Sur la grand’route se situe au sud de la Russie, dans le cabaret de Tikhone Evstignéev, la nuit. Un comptoir, des rayons garnis de bouteilles, des bancs occupés par des pèlerins, des passants. Faute de place, certains dorment à terre. L’aubergiste se lève de temps en temps pour ranimer une lanterne. Un aristocrate ruiné, Bortzov, raconte ses malheurs et l’affreuse conduite de sa femme. Chacun y va de son histoire. Dormir, boire, parler, voilà la situation centrale.
Un vagabond muni d’une hache entre, puis arrive Maria, l’épouse de Bortzov. Altière, elle relève sa robe pour enjamber les corps allongés. Son époux s’écroule à ses pieds en sanglotant. Elle se plaint de l’air suffocant. Dans un soudain éclair de folie, le vagabond lève sa hache. Il la lance en direction de Maria. Il la rate. « Remercie Dieu, ta tête est sauve », conclut l’aubergiste. Au petit matin, tous repartent.

Ils sont arrivés là, chacun avec son histoire, pèlerin et brigand, passant, barine ruiné et commerçant. Il fait un temps à ne pas laisser un chien dehors ; l’orage gronde, la nuit est froide. Chacun cherche sa place, dans l’attente de reprendre une route qui semble ne plus exister dans la fureur du vent et le voile à la fois réconfortant et menaçant de la nuit à partager avec d’autres qu’on ne connaît pas.
Dans cette assemblée d’infortune, il y a des bons et des méchants, des gens qui prient et d’autres qui maudissent, des parleurs impénitents et des silencieux troublants. Et, surtout, il y a ce temps qui les lie tous, oui, ce sentiment du temps qu’on ressent avec la précision d’un songe, au cours de ces nuits lentes comme des road-movies immobiles, quand on est ailleurs, plus loin que loin.

Sur la grand'route de A. P. Tchekhov
mis en scène par
Klaus Michaël Grüber

  Retour page précédente