AVRIL 2011

« Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir. »
Jean-Paul Marat (1743-1793)

« La politique est un mécanisme qui sert à empêcher les gens de prendre part à ce qui les concerne directement. »
Paul Valéry (1871-1945)
   

10ème Rencontre Théâtrale Méditerranéenne, du 24 au 29 avril 2011
à Castelnaudary

vers page Mon sacre sans sucre
L'Atelier Théâtre du lycée Professionnel Jean Durand de Castelnaudary
présente

d'après Jeux de massacre d'Eugène Ionesco

25 avril 2011

   
Interview  

« La leçon de Tchernobyl n’a pas été apprise »

interview
Svetlana Alexievitch, écrivaine biélorusse, revient pour
Libération sur une croyance aveugle.

En avril 1986, Tchernobyl bouleverse le monde. Svetlana Alexievitch, l’auteure de l’insoutenable mais essentiel Supplication Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse, s’interroge sur les avertissements de l’histoire restés sans effet. Elle se confie à Libération.
C’est avec les Cercueils de zinc, publié en 1991, que les lecteurs français ont découvert la prose de l’écrivaine et journaliste russe Svetlana Alexievitch. A partir des témoignages d’anciens combattants et de parents de soldats soviétiques tués en Afghanistan, Alexievitch dressait un réquisitoire implacable dont la force dramatique n’échappa pas à des metteurs en scène de théâtre. Didier-Georges Gabily fut le premier, en 1992, à adapter pour la scène les Cercueils de zinc, sous la forme d’une profération chorale. D’autres suivirent, dont Jacques Nichet en 2003. C’est donc tout naturellement que le théâtre s’empara aussi de la Supplication, l’enquête réalisée par Alexievitch auprès des survivants de Tchernobyl, parue en 1997. Comme une façon de revenir aux sources du théâtre, quand le récit épique relaie l’événement tragique pour mieux s’inscrire dans les mémoires. Lire
Ces paroles irradiées qui résonnent encore.

«J’avais parfois l’impression de noter l’avenir», écriviez-vous. Cet avenir est-il advenu ?
Dans Rêves d’Akira Kurosawa [1990, ndlr], toutes les centrales atomiques japonaises explosent. Les gens continuent leur vie, boivent du thé, mais sont déjà condamnés. Cette mort invisible est déjà en train de s’immiscer dans leur sang, leur corps. Ce film est devenu une prophétie. Nous payons un prix trop élevé pour le progrès, pour une civilisation bâtie sur le confort et l’aisance de l’homme. La haute technologie est au service de la faiblesse humaine. Mais cette civilisation de la consommation ne peut pas être éternelle, elle ne peut que se terminer tragiquement. C’est intéressant, presque mystique : le jour de la tragédie, au Japon, les gens attendaient, hystériques, toute la nuit, pour acheter un nouveau gadget qu’Apple venait de lancer. Et pendant ce temps avait lieu ce terrible accident. Il rappelle que l’ancien système de valeurs ne fonctionne plus. Nous sommes sur la voie de l’autodestruction. J’ai eu immédiatement des images de Tchernobyl devant les yeux, les routes goudronnées, les câbles électriques qui ne mènent nulle part. Ne restait que l’herbe, les arbres, la nature.

Vous vous étiez posé la question de savoir si les liquidateurs, à Tchernobyl, étaient des héros ou des suicidaires. Qu’en pensez-vous, à l’aune de la culture japonaise ?
Là aussi, je vois beaucoup de ressemblance avec ce qui s’est passé chez nous. La culture japonaise est fondée sur le collectif, elle aussi. L’individu en tant que tel n’existe pas vraiment, mais se reconnaît comme une partie d’un tout. La Seconde Guerre mondiale était déjà loin, mais j’ai eu l’impression, lors de mes visites au Japon, que si le besoin surgissait, chacun s’oublierait soi-même, et serait prêt à mourir. Exactement comme les Russes. J’étais présente dans la zone, à Tchernobyl, quand le sarcophage était édifié. On disait, de manière totalement pragmatique : cette opération coûtera tant de vies humaines, cette autre en coûtera tant. C’était un calcul professionnel.

Avons-nous tiré les leçons de Tchernobyl ?
Je me suis rendue sur l’île Hokkaido, au Japon, dans la centrale nucléaire de Tomari. Je l’avais d’abord vue le matin de la fenêtre de mon hôtel. C’était une vision fantastique, un site cosmique futuriste au bord de l’océan. J’ai rencontré des employés de la centrale, qui m’ont demandé de raconter Tchernobyl. Pendant mon récit, ils avaient des sourires polis, manifestaient de la compassion. «Bien sûr, c’est terrible pour les gens, mais c’est la faute au totalitarisme. Chez nous, cela n’arrivera jamais. Notre centrale est la plus exemplaire, la plus sûre, tout est parfaitement étudié.» Face à cet orgueil technogène de l’homme, l’idée d’un pouvoir sur la nature, j’ai compris que la leçon de Tchernobyl n’avait pas été apprise par l’humanité.

Pourquoi ?
On a dit que c’était la faute au laisser-aller des Russes, à la mentalité soviétique, au totalitarisme. Les Russes ont tout volé, tout était mal construit… Mais voilà la deuxième leçon atomique, quand tout se passe dans le pays le plus développé techniquement, dans les centrales les plus sécurisées… Ce n’est pas une tragédie que pour le Japon, mais pour toute l’humanité. Nous avons atteint cette frontière où, très clairement, nous ne pouvons plus accuser personne, ni le soviétisme ni le totalitarisme. L’homme doit reconnaître le caractère limité de ses possibilités. La nature est plus puissante, elle commence à se venger dans un combat inégal. J’ai entendu la même chose à Grenoble, lors d’une rencontre avec des spécialistes français. «Chez nous, c’est impossible. Chez vous, à l’Est, où la vie tangue entre le bordel et le baraquement…» Avant l’explosion à Tchernobyl, l’académicien Anatoli Alexandrov avait déclaré que les centrales soviétiques étaient tellement sûres que nous pouvions les construire sur la place Rouge. Etonnant comme cette arrogance des savants atomistes a pu survivre si longtemps.

Cette fois, le monde se posera peut-être les bonnes questions ?
Rien ne change. Je viens d’arriver à Minsk pour apprendre qu’il y a deux jours, un accord a été signé pour que la Russie construise une centrale nucléaire en Biélorussie, à Ostrovets, une zone dépeuplée depuis un tremblement de terre de magnitude 7, en 1909. Pendant que le monde entier est vissé aux écrans de télévision pour suivre le désastre au Japon, les journaux de Minsk se félicitent du deal avec la Russie, de la future centrale qui sera «la plus sûre du monde». Ironie du sort, la Biélorussie, qui a le plus souffert de Tchernobyl, est en train de se lancer dans le nucléaire. Mieux : le chef de l’agence fédérale Rossatom, Sergueï Kirienko, se vante de voir la Russie construire des centrales nucléaires offshore, pour les vendre à l’Indonésie, au Vietnam. Imaginez, dans l’océan, quelques dizaines de petites Hiroshima flottantes…

Tchernobyl était une sorte de mystère. Aujourd’hui, le monde entier regarde Fukushima en temps réel…
Mes amis japonais m’écrivent qu’ils ont l’impression qu’on ne leur dit pas tout. Le pouvoir craint la panique. Le problème, c’est moins la dissimulation que le désarroi. Gorbatchev ne comprenait pas ce qui se passait. Il a rassemblé les meilleurs scientifiques de l’atome et les a envoyés à Tchernobyl. Ils s’y promenaient en bras de chemise, sans se protéger. Les premiers pompiers sont arrivés sans protection non plus, et sont morts dès les premiers jours. En URSS, tu devais sacrifier ta vie pour la patrie. Sans l’Etat totalitaire, la catastrophe de Tchernobyl aurait aussi recouvert l’Europe. Il n’y aurait pas eu ces ressources humaines gigantesques, une telle armée de liquidateurs. Dans l’espace post-soviétique, l’Ukraine, séparée de la Biélorussie et de la Russie, ne s’en serait pas sortie. Et ces gens prêts à intervenir à mains nues n’existent plus. L’homme accorde de la valeur à sa vie. En plus, ce n’était pas la première fois que le totalitarisme sauvait le monde. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le totalitarisme soviétique s’est avéré plus solide que l’allemand. La vie humaine ne coûtait rien et grâce à ça, Hitler a été vaincu et Tchernobyl a été colmatée. Au Japon, il y a le même élément de désarroi. Même si les plus grands cerveaux du monde travaillent au problème de Fukushima, ils se heurtent à des difficultés que l’homme et la science ne peuvent pas résoudre aujourd’hui. L’homme n’a jamais voulu prendre en compte la modicité de ses moyens. Cette énergie qu’il a débridée, il ne la contrôle pas complètement. Nous ne savons toujours pas ce qui se passe vraiment sous le sarcophage de Tchernobyl. Seuls 3% des éléments contenus dans le réacteur se sont dissous dans l’air. 97% y sont encore. Désormais, le régime politique - totalitarisme ou libéralisme comme au Japon - n’a plus grande importance. Ce qui en a, ce sont les relations entre l’homme et les hautes technologies dont dispose la société.

C’est le 25e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. L’histoire est-elle ironique ?
Le monde n’a pas tenu compte de la première leçon atomique. La recherche sur les sources d’énergie alternative est encore l’apanage de gens qu’on ne prend pas au sérieux, alors qu’elle doit être l’affaire de tous. Le rationalisme est dans une impasse. D’où un sentiment suicidaire. Dans le film de Kurosawa, personne ne sait rien. Seuls quelques scientifiques de l’atome connaissent la vérité. L’un d’entre eux est tellement désespéré qu’il saisit son cartable et s’en va dans l’océan pour se suicider, de repentir. Il comprend que son cartable ne contient pas des plans d’avenir, mais des vieux manuscrits, la destruction du monde. Le tsunami au Japon a transformé le progrès en cimetière.

   
Théâtre  

DEMONS
de Lars Norén

Thomas Ostermeier est l’actuel directeur artistique de la prestigieuse Schaubühne de Berlin. À 40 ans, il a déjà réalisé une trentaine de mises en scène pour atteindre avec ce spectacle un niveau de perfection époustouflant.

Frank rentre chez lui. Il trébuche sur les chaussures de sa femme, s’énerve du désordre généralisé qui règne dans l’appartement. Il cherche un endroit où poser son sac en plastique qui contient non pas des achats mais les cendres de sa mère. Frank et Katarina n’ont pas d’enfants, ils s’approchent de la quarantaine et sont ensemble depuis neuf ans. Ils habitent un appartement chic mais désordonné et attendent l’arrivée du frère de Frank à l’occasion de l’enterrement. Mais celui-ci diffère son arrivée. Jenna et Thomas sont leurs voisins de dessous, ils ont le même âge, mais la vie leur a offert deux enfants et une série ininterrompue de petits malheurs inhérents à une vie normale. Le riz que Jenna voulait emprunter conduit à une invitation à dîner. Les jeunes parents, épuisés par leurs enfants, pénètrent joyeusement dans l’enfer du couple formé par Frank et Katarina. La soirée dégénère rapidement en une nuit pleine de dérapages. La peur de la solitude, le surcroît d’ennui de la vie à deux et l’espoir déchu d’une distraction redynamisante forment les murs d’une prison qui abrite les démons de la vie tapis dans les petites mesquineries, la méchanceté gauche, les menaces de séparation et la sexualité impotente du quotidien.

Production - Schaubühne am Lehniner Platz, Berlin.

WOZZECK
d'Alban Berg


   
Valère Novarina
Danse

James Thiérrée
Chant & danse
Théâtre silencieux ?
Photo(s)

 

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