NOVEMBRE 2010

« Je ne sais peut-être pas toujours pourquoi j’en fais
mais ce que je sais, c’est que je veux faire entrer dans le théâtre ma personne entière :
l’homme politique, le citoyen, l’idéologue, le poète, le musicien, l’acteur, le clown, l’amant, le critique ;
moi en somme tel que je suis ou que je pense être. »
Giorgio Strehler

Théâtre  

RICTUS

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par

le Théâtre de l'Hyménée

 

jeu Antoine Chapelot, mise en scène Michaël Therrat
création lumière Ronan Fablet
, création musique Jean-Kristoff Camps
construction décor, Pierre Heydorff
, Quentin Charrois
construction mannequin Virginie Rueff & affiche Valérie Tonnellier

 

Notes de mise en scène
Oratorio pour un argot lyrique (20 février 2009)
Résidence de gueux pour Rictus (20 mai 2009)
2ème période, 2ème époque : sous le signe du double (17 novembre 2009)
Godot déraille, Rictus dérouille (28 novembre 2009)

 

 

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Extrait

J’ai beau m’trémousser, j’ai pas l’rond,
Je suis tremblant, je suis traqué,
J’suis l’Déclassé,… l’gas distingué
Qui la fait à la poésie :

J’suis aux trois quarts écrabouillé
Ent’ le Borgeois et l’Ovréier,
J’suis l’gas dont on hait le labeur,

Je suis un placard à Douleurs,
Je suis l’Artiste, le Rêveur,

Le Lépreux des Démocraties

 

Jehan-Rictus, Les Soliloques du Pauvre
[basé sur l’édition de 1903]
Paris, Éditions Blusson, [2007]

« Le cri du peuple : le retour de la politique »

« Le choix du chef de l’État d’accélérer la procédure parlementaire pour faire adopter son projet concernant le recul de l’âge de départ à la retraite ne participe pas seulement d’une crainte de voir le mouvement de grève s’enraciner. Il signe le refus d’écouter la parole du peuple, à l’assemblée comme dans la rue. Il montre par là une crainte ancestrale, celle du peuple. C’est une constante dans l’histoire de la domination politique que d’ignorer les messages issus du peuple, que de vouloir lui dénier toute participation directe. Le projet de la majorité gouvernementale, comme tant d’autres depuis des années, a été présenté comme le seul possible, placé sous la double évidence de la démographie et de l’économie. L’appel à une solution consensuelle lancé au lancement de cette contre-réforme entendait là encore faire croire que cette solution tombait sous le sceau de la nécessité, c’est-à-dire à la faire sortir du débat politique. Que n’a-t-on entendu sur la rationalité de cette réforme face à laquelle les opposants figuraient alors pour des fous, des dangereux rêveurs ou des opportunistes. Ne nous laissons pas tromper par les tenants du discours dominant. La politique change de camp. Ce sont précisément ceux qui méprisent le peuple qui entendent lui dicter sa conduite, lui dire sa vérité, et placer leurs intérêts propres sous la caution d’un discours économique par là indiscutable. Pour cela il leur faut aussi dénier que le cri du peuple ait un sens.

Il ne manque pas d’observateurs sérieux pour dénoncer démagogie, archaïsmes et corporatismes portés par les protestataires. Ils entendent rendre inaudible le discours du peuple. Il s’agit toujours de répéter que le peuple qui crie n’a rien à dire, que les vociférations de la foule n’ont rien de raisonnable. D’ailleurs tous les dérapages seront montés en épingle pour renforcer l’idée que le peuple assemblé dans la rue n’est, selon le mot de Bodin, que «la populace qu’il faut ranger à coups de bâtons ». Quelques centaines de casseurs masquent bientôt les millions de manifestants et de grévistes, quelques émeutiers cachent la masse immense des salariés. Dans un entretien récent, Gérard Mordillat soulignait combien les images médiatiques tendaient à transformer les revendications populaires en un simple bruit : tambours, slogans à peine audibles, pétards. Tout l’attirail des manifestants retourné contre eux, il devient l’écran de fumée qui masque son expression.

Et pourtant, comme lors du débat contre le traité constitutionnel européen, ces cris du peuple manifestent son retour en politique. Ce retour passe certes par un moment négatif, celui de la révolte contre. Mais comme le soulignait Camus, ce « non », scandé mille fois, est un oui : « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement.» Il faut entendre ce que porte le discours de défense du système de retraite par répartition et de l’âge légal de départ à 60 ans. Exemplaire à ce titre l’autocollant « Je LUTTE des classes » que l’on voit à chaque manifestation. Le cri de chacun devient celui de tous. L’atomisation des solidarités à laquelle veut nous contraindre la logique libérale se heurte au sentiment profond de la nécessité d’une réponse collective. Exemplaire également la lente construction d’un mouvement qui aujourd’hui reçoit l’aval de la majorité de la population. Il a fallu que chacun se déprenne de l’évidence sans cesse ressassée de ce projet de loi. Il a fallu sortir peu à peu de la stupeur provoquée par le discours dominant, pour oser crier son refus. Il a fallu que chacun prenne conscience du caractère politique et du choix de société que suppose la question des retraites. Le profond sentiment d’injustice se transforme peu à peu en revendication politique d’autres rapports que ceux portés par des décennies de discours libéral qui en appelaient à la seule logique marchande. L’injustice appelle la solidarité, et celle-ci appelle à son tour des réponses collectives.

Le cri du peuple porte la renaissance du peuple. Car un peuple n’est rien en dehors des combats politiques qu’il mène. Tout l’enjeu des mobilisations consiste à faire entendre ce cri par lequel le peuple prend conscience de lui-même et réclame le droit de s’intéresser à la politique. Le cri du peuple porte le retour de la politique. »

Benoît Schneckenburge

 

Sans l’esprit, les faibles ne sont que déchets, utilisables seulement pour la part de force dégradée qui reste en eux, si dégradée qu’elle ne saurait paraître que s’ils s’assemblent en grand nombre. Le trésor du misérable est spirituel, et la raison, sans doute, de la béatification par le Christ de la condition du Pauvre, c’est que tout ce que perd l’Esprit est aussi perdu par le Pauvre. Le Pauvre suit le destin de l’Esprit.
Nous autres Français, Georges Bernanos


Le pauvre n’est pas un homme qui manque, par état, du nécessaire, c’est un homme qui vit pauvrement, selon la tradition immémoriale de la pauvreté, qui vit au jour le jour, du travail de ses mains, qui mange dans la main de Dieu, selon la vieille expression populaire. Il vit non seulement de l’ouvrage de ses mains, mais aussi de la fraternité entre pauvres, des mille petites ressources de la pauvreté, du prévu et de l’imprévu. Les pauvres ont le secret de l’espérance.
Les Enfants humiliés, Georges Bernanos

Les dernières chances du monde sont entre les mains des nations pauvres ou appauvries. C’est, en effet, la dernière chance qui reste au monde de se réformer, et si généreuse et magnanime qu’elle puisse être, une nation opulente ne serait pas capable de mettre beaucoup d’empressement à réformer un système économique et social qui lui a donné la prospérité. Or, si le monde ne se réforme pas, il est perdu. Je veux dire qu’il retombera tôt ou tard à la merci d’un démagogue génial, d’un militaire sans scrupules ou d’une oligarchie de banquiers.
Le Chemin de la Croix des Ames, Georges Bernanos

 
Théâtre    

BORIS GODOUNOV
d'
Alexandre Pouchkine

Le metteur en scène britannique Declan Donnellan revient avec Boris Godounov, interprété par les comédiens de Moscou. Moins connu et moins représenté en France que l'opéra qu'en tira Moussorgski, le drame de Pouchkine est un chef-d'oeuvre du théâtre historique sur la Russie tsariste du XVIIe siècle. Mais la pièce interroge étonnamment, avec ironie, notre mondre d'aujourd'hui : la relation entre le peuple et le pouvoir, la légitimité de l'autorité, la question de l'identité. Les deux personnages principaux, que l'on voit s'affronter dans une guerre sans meri, sont tous les deux des imposteurs : le tsar Boris Godounov, qui représente le pouvoir officiel apr_ès avoir pris la place de l'héritier qu'il a assassinné, et Grigori, qui se fait passe pour Dimitri le fils légitime disparu. Deux mensonges et deux illusions se font face. La vie imaginaire supplante la réalité, la fable a la force des lois.
La mise en scène délaisse le contexte historique pour mieux cerner le type du héros pouchkinien, orgueilleux et révolté contre son destin, et mettre au premier plan les thèmes de l'identité et de la culpabilité, du faux et du vrai. Elle fait surgir la comédie dans le drame, grâce à ces jeux troublants de personnalités, et puise son extraordinaire dynamique dans l'énergie des interprètes russes.
Dans la presse russe : "[...] Le spectacle est impértueux, dynamique et culbute si hardiment, si volontairmeent dans l'actualité contemporaine que les spectateurs ne savent plus à quoi s'en remetre. Le texte choisi de Pouchkine sonne et se loge dans l'oreille avec une fraîcheur et une acuité nouvelles (...). En vérité, il n'y a pas de prophète en son pays [...]. Il semblerait que le britannique Donnellan se soit approprié "notre" Godounov ?"

Marina Mourzina

Les Gémeaux - Scène nationale

 

AMPHITRYON
de
Kleist

Sa mystique sereine, sa ferveur spirituelle sont incomparables. Si on la jouait comme elle le mérite, ce serait un divertissement, ce serait une fête pour la sensibilité et la raison qui y trouveraient également leur compte. Mais les représentations d’Amphitryon n’ont rien de commun avec les fêtes, si ce n’est la rareté : elles sont peu fréquentes et ce qui les entoure, c’est le train-train quotidien du théâtre. Un jeune régisseur sensé et sensible à la spiritualité la plus plastique devrait sentir et examiner à fond cette grande comédie unique en son genre, devrait prendre le temps et acquérir les moyens de la représenter comme il se doit avec des comédiens qui, aux dons physiques les plus agréables, uniraient la réceptivité la plus obéissante aux indications précises de son enthousiasme. Qu’on me tienne au courant : si une telle représentation se prépare, j’irai pour la voir. (…)

On se demanderait quelle âme ont donc ces poètes, quel feu est leur flamme froide et quelles relations éhontées et à demi inhumaines ils entretiennent avec la vie, le sentiment qu’ils recherchent, qu’ils saturent d’esprit, qu’ils approfondissent, élèvent, subliment avec tout leur art, tout leur zèle, pour tout de suite après – comme si rien ne leur importait, comme si pas un iota de ce qu’ils ont soigné avec un tel acharnement victorieux ne leur tenait réellement à cœur – faire à tout cela, à nous, et à cette sublime intuition, un pied de nez de satyre.

Thomas Mann, L’Amphitryon de Kleist in Les Maîtres, Grasset 1979

Un bicentenaire de Kleist

MC93 de Bobigny

     
Théâtre
Chant

LES RECITS DE CHOUKCHINE
de Vassili Choukchine

Présentée en exclusivité française sur la scène des Célestins, cette production nous fait découvrir l'un des metteur en scène les plus talentueux du théâtre contemporain européen, Alvis Hermanis.
La troupe de comédiens qu’il dirige incarne avec brio une galerie de personnages attachants autour des deux grands interprètes Chulpan Khamatova (Good Bye Lenin) et Yevgeny Mironov (La Maison des fous), immenses stars du cinéma et du théâtre contemporain russe.

Alvis Hermanis prend ici le parti d’entraîner ses acteurs dans une interprétation actuelle des récits de Choukchine, cinéaste, écrivain phare de la période soviétique mais avant tout observateur impénitent du monde rural, sans chercher à retrouver l’atmosphère du monde paysan russe des années 70. Seuls les immenses et bouleversants portraits des paysans actuels du village d’origine de Vassili Choukchine habillent la scène.
Le spectacle se défait de toute tentation nostalgique, laisse à l’arrière-plan une pensée sociale pour faire triompher la joie et un humour décalé, poétique.

Production - Théâtre des Nations, Moscou. Théâtre des Célestins

Mise en scène

   

 

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