JUIN 2011

« Apprends à connaître la vérité de l’obstacle : une moitié seulement est hors de toi ; l’autre moitié est en toi-même.
Tu peux franchir la moitié extérieure et elle devient alors une marche qui t’aide à monter.
Mais la moitié qui reste à l’intérieur de toi, toi seul peux la surmonter. »

Iben Nagel Rasmussen
 

Saison 2011/2012

Atelier théâtre enfants

Théâtre / Le Pouvoir de dire oui de David Hare

 

Le théâtre et la crise (1)

Le théâtre et la crise (2)

Le théâtre et la crise (3)

 

vendredi 20 mai 2011

On avance.

Je coupe à l'habitude. Je déroge. Je ne vais pas parler d'un voyage ou d'une découverte ahurissante. Ni d'un éclat de colère. Enfin si. Enfin non.
Enfin vous verrez...
C'est un peu des trois, mais c'est neuf. C'est un voyage. C'est une découverte. C'est ahurissant. Et il y a de la colère. Le tout transformé en une sorte d'épopée juridico-théâtrale de premier ordre. Il pourrait y avoir un film de fait. Ou un roman.
J'en fait un mail collectif.

On avance.

Il y a les temps qui changent, c'est sur. Et encore : je crois tomber de moins haut que tous ceux d'entre vous qui sont mes aînés d'au moins vingt ans. Ma génération et celle qui suit a la chance d'être né avec ou après la désillusion. On a appris à vivre avec, et à rêver aussi fort que l'on pouvait avec les maigres moyens mis à notre disposition.
Ça me rappelle ce vieil hippie à Katmandou qui me disait : "C'était un village en 1970. Pas de bagnoles, pas de flics, pas de ciment, pas d'aéroport, personne ne parlait anglais, la route se faisait en dix jours depuis la frontière". Je ne l'ai pas fait, mais j'avais envie de lui répondre : "Et bien moi je suis arrivé en avion, les embouteillage et la pollution m'ont sauté à la gueule, la ville que je découvre est délabrée, putréfiée, épaisse comme une pile d'ordure, il y a la guerre depuis dix ans, les égouts débordent, mais j'adore cette ville. Je l'adore, parce qu'au milieu de ce monstre d'urbanisation, il y a les restes de ce que tu racontes, qui font comme des éclats de lumière, et c'est ça dont nous, trentenaires en 2010, disposons pour être heureux."
Et ça marche. J'ai trente ans. Je suis heureux.
Je suis heureux parce que je ne rêve pas d'un changement. Je fais ce que je peux. Ferai ce que je pourrai. Mais si rien ne se passe, au diable, je regarderai pousser mon arbre au milieu des déchets.
Bref, ça comme préambule.

On avance.

Je travaille pour une compagnie de théâtre internationale
depuis cinq ans. Je n'ai jamais rien fait qui ait duré aussi longtemps.
Cette compagnie internationale, c'est un vrai merdier ambulant qui n'a pas lieu d'être. La désorganisation est complète. La communication est un chaos complet. Les personnalités sont extrêmes.
70% des membres ne sont pas français. 99% sont intermittents.
En tournée, 100% nomades.
Nomade. Intermittents. Étrangers. Artistes. Ruraux. Quint flush royal.
On est hors-sujet sur deux points : on fait du théâtre alors que tout le monde s'en fout, et on maintien un fonctionnement extrêmement pesant où la somme des initiatives individuelles produit le résultat, dans le cadre d'un semblant de coordination. En gros : chacun fait absolument ce qu'il veut. Le tout, c'est qu'un spectacle soit créé, qu'il tourne, et que chaque représentation soit un succès.
Le résultat, je ne peux pas en juger. De l'intérieur, je trouve ça rutilant.
Quand je suis arrivé, on m'a filé les clés, et on m'a dit : "fait !". Et c'est pour tout le monde pareil.
Je n'avais pas les capacités, pas les moyens, pas la connaissance et pas l'expérience. En gros, pas le permis, mais ils m'ont filé les clés et j'ai appris en conduisant.
Je me suis planté un bon paquet de fois, entrainant trente personnes à ma suite mais j'ai appris autant que si j'avais lu l'encyclopédie de A à Z.
Et c'est tout le monde pareil. Tout le monde. Il y a d'ailleurs des clashes réguliers avec ceux qui s'attendaient à être dirigés, qui, sans chef, ne savent rien faire.
Forcément, on n'est pas efficaces, pas organisés, pas hiérarchisés. Mais d'un autre coté, il n'y a pas de marches à grimper. Avec trois francs de gnaque, on peut faire dans ce non-cadre, absolument ce que l'on veut.
Un baril de lessive à celui qui m'offrira l'exemple d'un meilleur endroit pour être trentenaire quand tout ce dont on a envie c'est de faire tinter sa vie.

On avance.

Tout ça pour en venir à ma journée d'hier.
Hier, la compagnie était au tribunal de grande instance de Montluçon, pour solliciter un redressement judiciaire.
La décision, c'est nous qui l'avons prise. Depuis 2008, la dégradation phénoménale du pourtant déjà très pauvre tissus de l'art vivant s'est accélérée. Crise financière. Sarkozy. Individualisme sourdant à toutes écoutilles... Etc... Bref, nos acheteurs se sont retrouvés sans un sou, du jour au lendemain. Et nous en bout de chaîne... Vous connaissez c'est la même pour tous les corps de métier. En deux ans, nous avons perdu une soixantaine de dates, au dernier moment, à cause de tout ça. C'est fou ce que le pognon se perd vite. 300.000 euros, dont 120.000 sur les deux derniers mois.
Autour de nous, les compagnies s'écrasent toutes. Les nomades au premier rang. Hécatombe bien moins joyeuse que celle que l'on connu, onques, au marché de Brive la Gaillarde.
Après quarante ans de vie, et pour la première fois dans son histoire, la compagnie a été bloqué net. On a interrompu une tournée. On est rentré d'Irlande en catastrophe. On a coupé le contact, et on a déposé le bilan.
La cour nous a autorisé le redressement, nous félicitant pour notre courage, notre sérieux et notre ténacité. Merci. C'est vrai que même le tribunal de Montluçon a failli sauter avec la RGPP-Sarkozy-génial.
Et puis que pouvaient-ils nous dire ? Juste avant nous, il y avait la MJC de Montluçon, assassinée par l'arrivée de l'UMP aux manettes de la ville.

On avance.

On est sorti à l'américaine du tribunal. Téloche. Radio. Presse écrite. Annonce poing-levé sur le perron. Vinceremos.
Vinceremos.
On essaie de nous faire croire 1. que le théâtre pèse sur l'économie du pays 2. que le monde rural c'est fini 3. Que ça va bien de faire vivre des gens au crochet de l'intermittence 4. Que ça va bien de faire venir des étrangers en France 6. Que ça va bien les communautés, les caravanes et tout le toutim.
Manque de pot : on a organisé un festival deux mois plus tôt, et on a rassemblé 2.000 personnes en quatre jours.
Virez les entreprises culturelles du bocage et vous verrez ce qu'il vous reste. Qui viendra s'installer ? Quels jeunes, dynamiques et plein d'initiative feront vivre un territoire où même les fermes ferment les unes après les autres.
Il n'y a jamais eu autant de monde sur les chemins du spectacle que ces dernières années. Et les théâtres ferment. Pas rentables.
Et les théâtres qui ne ferment pas sont enrichis démesurément. Concentration des moyens dans les mains de potentats régulables à l'envi par les autorités ministérielles, donc gouvernementales. Vérifiez et voyez si je mens. Francis Huster aux Tréteaux de France ? Par quelle pantalonnade a t'on essayer de camoufler le fait qu'il n'était là que par accointance avec Carla Bruni. Il se barre après trois mois de nomination et on parle de le remplacer par ce grand homme de théâtre qu'est... Gérard Holtz ! Vérifiez si je mens... Gérard Holtz, Dieu tout-puissant. Gérard Holtz !!!

On avance.

Nous sortons de toutes ces épreuves vent debout. Droits comme des i. Nous trouverons les ressources et nous nous adapterons à la nouvelle donne, sans perdre notre identité. Sans perdre la part de chaos. Sans perdre la passion génératrice des fous. S'il faut vendre, nous vendrons. S'il faut ne plus offrir, nous n'offrirons plus. S'il faut être intransigeant, nous le serons, mais uniquement dans le but de rester généreux.
En sortant du tribunal, je suis allé au Guingois, petite salle de concert à Montluçon. Il y avait De Kift, un groupe Hollandais qui m'a levé le cœur comme jamais avant. Une merveille ocre et cuivre. Des fous-furieux jouant de basses tarabiscotés, de roues de vélo, de seaux, d'aspirateurs et hurlant dans des micros mal réglés des poèmes insensés. Sur scène des vieux, des très vieux, des jeunes et des très jeunes. C'était époustouflant... Et nous étions soixante dans la salle.
Et c'était un bon soir. Cette salle merveilleuse, cet écrin où j'ai cru pleurer plus d'une fois, personne n'y va.
Mais où ils sont les gens ?
Où ?
30.000 personnes à Montluçon... Où sont-ils ?

On avance.

Je suis heureux, car je ne vois rien se dégrader. C'est pareil. Doucement, rien ne change. La meilleure preuve, c'est qu'on va se remorfler cinq ans de droite dégradante l'année prochaine. Rien ne change car tout fonctionne à merveille : la bonne vieille peur, les bonnes vieilles castes, les bons vieux réflexes défensifs.
Je suis heureux, car j'ai fais les bons choix. Je vis de très peu. Je rencontre des gens de toutes catégories qui m'instruisent de la diversité du monde. Je n'ai pas peur des Juifs. De l'Islam. Des Chinois. Des Noirs. Des Indiens. Des Tziganes. Des jeunes. Des lascars des cités. Des chasseurs. Des alcoolos. Des riches. Des entrepreneurs. Des nobles. Des chatelains. Des élus. Des religieux. Des tôlards. Des fous. Des handicapés. Je les côtoie. Je travaille et je vis avec eux. Et j'aime ce qu'ils m'offrent à prendre. Ça me rend riche.
Et ça c'est parce que je sors. Avec des amis. Seul. Je n'ai pas de chez-moi. Pas de confort à entretenir. Alors je vais dehors, je croise et je retrouve. Je discute. Je rencontre. Je m'enthousiasme.
Et autour de moi, j'ai un bon gros paquet de potes qui font pareil. Alors je n'ai pas peur : je sais qu'on est nombreux, et que c'est nous, qui tout au bout, serons vainqueurs. On n'a pas peur. On vit de peu. On a besoin de rien.

On avance.

Voilà. Ce petit mot m'a trotté dans la tête toute la nuit. Je le rend tel quel, un peu brut et élimé. Sans trop de relecture, mais je le fais parce vous m'êtes important, et qu'il faut dire ce qui semble important à ceux qui vous sont importants.

Jetons nos télés. Sortons.

Je vous embrasse.

Fabien Granier

"Mon Dieu
Dit la reine
pleine de joie
Dieu que la vie est belle
même si l'on meurt quelque fois
"

(Prévert Jacques)

   
Théâtre / Outrage au public de Peter Handke / Théâtre Garonne
Chant

     
 
Théâtre / Festival Impatience

Livre / Ithaque de Botho Strauss

Après vingt ans d'absence, Ulysse est de retour dans sa patrie fatigué de ses errances. Pallas Athéna en personne l'éclaire sur la situation dans laquelle se trouve son royaume. D'innombrables prétendants se sont installés dans le palais et demandent la main de sa femme Pénélope. Ils corrompent les moeurs et font comme si le roi était mort depuis longtemps. Lorsque Botho Strauss revisite le mythe d'Ulysse, celui-ci nous apparaît sous un jour nouveau. Cette pièce, contemporaine à tous égards, offre un réseau de questionnements : comment éviter la décadence ? Qu'est-ce qu'un héros ? De quelle manière exercer le pouvoir après des années dabsence ? Et surtout, comment remettre de l'ordre dans une situation sociétale chaotique ?

Ithaque a été créé en janvier 2011 au Théâtre Nanterre Amandiers dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli.

 

Épousailles et représailles
dyptique librement inspiré de Hanokh Levin

mise en scène Séverine Chavrier / Compagnie La Sérénade Interrompue

Pianiste et metteure en scène, Séverine Chavrier nous livre un spectacle sur l’éternelle ritournelle de l’incompatibilité des désirs. Parfois profondes parfois dérisoires, les dissonances s’accumulent. Autant de tentatives – tentatives de tendresse, de jalousie, de chantages – autant de fantasmes incongrus, autant de ratages, de maladresses, de petits échecs quotidiens qui finissent par rendre impossible toute véritable conciliation... Comment survivre à l’autre ? Par la violence parfois, la révolte, la bataille inévitable : c’est le temps des représailles. Une sorte de dramaturgie de la désillusion avec des sorties de narration comme des sorties de piste...

Musique
piano





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